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confraternité d’armes. En 1814, nous voyons Ney multiplier les démarches en faveur de Davout et plaider sa cause vivement auprès de Louis XVIII. En 1815, ce fut au tour de Davout à intervenir en faveur de Ney ; il insista d’abord pour que la famille du maréchal demandât qu’il fût jugé par un conseil de guerre, et fut désespéré que son avis fût rejeté. « Pas un seul, même Raguse, l’entendit-on s’écrier, n’aurait condamné un pareil homme. » Appelé en témoignage devant la cour des pairs, on sait qu’il déclara que la convention de Paris signée par lui couvrait tous les actes accomplis pendant les cent jours, que par conséquent Ney se trouvait placé sous la protection de ce traité. La récompense de cette déposition fut, nous venons de le dire, l’échange de l’internement à Savigny contre l’exil à Louviers. Cet exil dura un an, au bout duquel temps le maréchal, rentré en grâce, sinon en faveur, prêta serment à Louis XVIII et fut appelé à venir prendre son rang à la chambre des pairs. Il y commençait une nouvelle carrière, moins périlleuse à coup sûr que la première, mais qui peut-être, si elle eût pu se prolonger, n’eût pas montré moins efficacement l’étendue réelle de ses facultés, ainsi qu’en témoignent les quelques discours prononcés dans sa courte carrière parlementaire, lorsque, le 1er juin 1823, la mort vint prématurément mettre fin à une existence qui n’avait eu d’autre repos que celui que lui avaient fait les disgrâces et l’exil.

Un dernier fait qui fait trop d’honneur à Davout pour être omis, nous oblige de nous arrêter encore un instant. La chute de l’empire le laissa dans une situation de fortune des plus difficiles. Malgré ses nombreuses et immenses dotations, il n’avait jamais été paisiblement riche, et pendant les quinze années du régime impérial, nous le voyons obligé de faire face à d’énormes échéances sans cesse renaissantes. Cette gêne relative de Davout n’était un secret pour personne dans le haut monde impérial, car nous voyons Mme de Rémusat se servir précisément de cet exemple pour expliquer comment la fortune des grands dignitaires de l’empire était plus apparente que réelle. L’empereur récompensait magnifiquement les services qui lui étaient rendus, mais c’était à la condition que ces récompenses mêmes seraient utiles à son gouvernement en rehaussant l’éclat de sa cour. Elles imposaient donc à ceux qui en étaient honorés une existence qui ne permettait aucun calcul privé ni même aucune prudence de gestion. Ainsi la maréchale résista très longtemps à l’obligation d’avoir un hôtel à Paris, mais il fallut enfin céder, et cette acquisition fut pour les époux une des principales sources des difficultés financières dans lesquelles nous les voyons se débattre en 1815. Si libérales qu’elles fussent, les récompenses impériales n’étaient d’ailleurs rien moins que gratuites. Sur chaque dotation, il fallait payer des sommes considérables à la caisse de