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Je viens de recevoir une lettre d’un Danois, qui malheureusement me coûte trente-six sous de port (il faut, pour que je fasse cette réflexion, que je sois bien dénué de fonds), qui m’offre de faire l’acquisition d’une belle terre dans le Holstein. Le roi de Danemarck, dit-il, toujours mon ami (il ose en répondre), — ce sont ses expressions, — me verrait établi avec beaucoup de plaisir dans ses états. Cet officieux suppose que, parce que pendant dix ou douze ans j’ai eu de grands commandemens, j’ai dû acquérir une grande fortune. Oui, j’ai eu de grandes dotations ; mais les événemens m’en ayant privé, il ne nous reste de bien que les économies que tu as faites sur les revenus de nos dotations ; aussi si je ne suis pas sans pain, c’est à toi, mon Aimée, que j’en ai l’obligation.

Je répondrai à cette personne que, pour deux raisons, je ne puis accepter sa proposition : la première, c’est que, pour acquérir chez lui, il me faudrait vendre le peu que je possède en France, et la seconde, c’est que, à moins de force majeure, je veux être enterré dans ma patrie…

Je désire bien apprendre, mon amie, que tu as terminé la location de l’hôtel et que tu as obtenu un trimestre d’avance, afin de pouvoir le distribuer à nos fournisseurs ; nous sommes sensibles à leurs procédés, bien rares, de les voir se contenter des acomptes que nous pouvons leur donner.


« Là où sont les grandes portes sont aussi les grands vents, » dit un proverbe des paysans de nos régions du centre. Ce dicton expressif, qui mériterait d’être retenu par toute personne à propensions envieuses, pour être récité comme charme contre les mauvais mouvemens de son cœur, trouve une ample justification dans le cas de Davout.

Nous avons tout dit maintenant, n’ayant pas à nous occuper de ce qui est de l’histoire depuis longtemps connue ; mais cependant, en terminant, nous sentons un vif regret que nous ne pouvons nous empêcher d’exprimer : c’est de n’avoir pas parlé autant que nous l’aurions voulu de l’éditeur de ces documens et des parties qui lui appartiennent en propre dans sa publication. Heureusement l’ardente piété filiale dont témoignent ces pages vibrantes nous est un sûr garant que Mme la marquise de Blocqueville nous pardonnera si son père a pris, à son détriment, toute la place dont nous pouvions disposer. Elles méritent d’être lues, et elles seront lues avec des sentimens fort divers peut-être, mais qui, dans leur diversité, n’auront rien qui les rapproche de l’indifférence et de la froideur, ces pages tantôt enthousiastes, tantôt vengeresses, toujours contagieuses dans l’exaltation comme dans la colère, ainsi que le sont et doivent l’être les expressions de tous les sentimens forts. Les