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mes amis ! il pleut, il vente, nous sommes trempés ! quel temps superbe pour se battre ! Les élémens se déchaînent en vain pour troubler nos fêtes ou nous arracher au combat. Le ciel est toujours beau pour des républicains. » Dans une autre pièce, Au plus brave la plus belle, le volontaire Victor annonce à sa fille Victoire qu’il l’a promise par avance au plus brave ! — O mon père ! dit Victoire, « pourquoi m’exposer à épouser un inconnu ? » mais Victor de lui répondre : « Un inconnu ! ma fille ! le bon républicain n’est un inconnu pour personne ! » Si maintenant vous voulez connaître la recette pour former cet être privilégié de la nature que l’on appelle un bon républicain, la voici :

A bien comprendre tout ce qu’elle dit,
Il faut appliquer la jeunesse :
Les livres saints remplis d’obscurités
Troublent la raison de l’enfance,
En lui disant qu’il est des vérités
Au-dessus de l’intelligence (bis).


Par quel inconcevable oubli, dans une discussion récente sur l’enseignement primaire, n’a-t-on pas fait intervenir ce couplet ?

A côté de cet enseignement civique, le théâtre de la révolution donne l’enseignement moral. « Approchez-vous, ô vous, les plus honnêtes gens que nous ayons trouvés dans Toulon !… Tremblez, tyrans, avec de tels hommes on n’est jamais vaincu. » Ce petit discours d’un représentant du peuple, dans cette même pièce de la Reprise de Toulon, s’adresse aux intrépides galériens, « âmes pures et sensibles, » et sans doute « plus malheureux que coupables. » En revanche, dans les Victimes cloîtrées, de Monvel, on apprend qu’un couvent est le séjour a de tout ce que l’hypocrisie, l’audace et la scélératesse peuvent combiner de crimes et d’atrocités, » et dans l’Esprit des prêtres, du citoyen Prévost-Montfort, officier d’administration, l’acteur prononce le distique suivant :

Ici la liberté s’apprête à reparaître,
Oui, mais ce n’est qu’avec la mort du dernier prêtre.


Mêmes gentillesses dans la comédie de Monsieur le marquis :

Ah ! s’il ne consultait que son juste courroux,
Le peuple, ivre de joie, à sa prompte vengeance,
Immolerait bientôt la noblesse de France.


Et la tirade est mise dans la bouche du député Dorante, « homme très réfléchi, ne s’échauffant que quand les circonstances le commandent. » On connaît enfin la pièce ignoble de Silvain Maréchal : le Jugement dernier des rois. La toile se lève sur un décor « représentant l’intérieur d’une île volcanisée. » Sur un rocher blanc on lit cette inscription tracée avec du charbon :