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premières élections, régulièrement, tranquillement accomplies, que faut-il penser ?

Ce qu’a produit réellement ce scrutin du 9 janvier, ouvert à la fois dans plus de trente mille communes de France, grandes ou petites, il serait certes difficile de le dire, et ceux qui ont des statistiques toutes prêtes, même des statistiques officielles, n’en savent guère plus que les autres. Nous admirons toujours les profonds scrutateurs qui jettent la sonde dans cet inconnu provincial et rural pour la retirer aussitôt avec un certain nombre de milliers de noms, auxquels ils s’empressent d’ajouter les étiquettes de républicains ou de réactionnaires, de conservateurs ou de radicaux, « d’opportunistes » ou « d’intransigeans. » Ils peuvent quelquefois ne pas se tromper, — ils sont presque toujours dans l’à-peu-près. Le plus vraisemblable est que, malgré la participation des communes à la formation du sénat, les raisons de localité, d’influence personnelle, ont bien souvent encore une grande part dans la composition d’une multitude de conseils. Dans les villes, particulièrement à Paris, la première des villes, la question change de face. Ici la politique domine tout et se mêle aux luttes de l’ordre le plus modeste. Les élections prennent aussitôt un sens plus net, plus facile à saisir.

Au total, à juger les choses de haut, à ne considérer le dernier mouvement que dans son ensemble, sans descendre à de puérils détails de statistique, sans distinction de villes et de campagnes, on peut dire sans doute, d’une manière générale, que les élections du 9 janvier ont peu modifié la composition de beaucoup de conseils, et, que là où elles ont introduit des changemens, elles ont un caractère sensible. Elles sont républicaines, simplement républicaines dans la mesure de l’ordre établi, le plus souvent sans aucune disposition aux idées extrêmes, aux excentricités, aux fantasmagories révolutionnaires, — plutôt au contraire avec une tendance de modération instinctive. Les élections, parisiennes elles-mêmes ne sont point sans avoir subi cette influence relativement modératrice. Ce n’est point certes qu’il y ait rien à exagérer. Ceux qui voient déjà le réveil de la réaction dans quelques résultats favorables à leurs opinions sont un peu prompts à prendre leurs illusions ou leurs désirs pour la réalité. Telles quelles sont cependant, ces élections de Paris, elles ont une signification assez nouvelle, et elles offrent plus d’une particularité curieuse. Ainsi elles ont permis à quelques candidats d’un comité de protestation ou de défense d’entrer vivement en lutte et même d’obtenir un chiffre respectable de suffrages. Sans grossir beaucoup le contingent conservateur, elles font entrer dans le conseil un écrivain habile, esprit calme, ferme et instruit, M. Edouard Hervé, qui avait défini avec précision sa candidature en la dépouillant de tout caractère politique, en la présentant comme une protestation contre le radicalisme de l’ancien conseil. M. Hervé ne sera qu’un représentant de plus de la minorité ; mais : par son talent, par son intelligence des