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conférence de Berlin. Le gouvernement grec est donc le fidèle exécuteur de la volonté des puissances. » À la proposition d’arbitrage les politiques d’Athènes ont commencé par répondre que, si on prend pour base l’œuvre de la conférence de Berlin, ce ne serait que la répétition d’un acte déjà accepté, que « si au contraire les décisions de la conférence de Berlin devaient être modifiées, la Grèce verrait ses droits amoindris et elle aurait raison de refuser l’arbitrage. » On n’est pas encore sorti de là, et, à bout de raisons, le chef du cabinet d’Athènes aurait dit, il y a quelques jours déjà : « C’est une douloureuse, mais en même temps une inévitable nécessité, d’accepter le sort des armes. » Tout cela est fort bien, tout cela, nous en convenons, est la suite d’un ensemble de faits, d’entraînemens, de manifestations, de complications qui ne sont pas exclusivement de la faute des Grecs, qui créent au royaume hellénique une situation pénible. Pénible ou non, la situation est décisive : c’est le moment pour tous les vrais patriotes d’Athènes, pour tous les esprits sérieux, prévoyans, dévoués à leur pays, de peser courageusement les conséquences d’une résolution extrême.

La Grèce a aujourd’hui à faire un choix d’où peut dépendre pour longtemps sa destinée, Si elle accepte l’arbitrage qui lui est offert, que risque-t-elle ? Elle n’aura pas, il est vrai, tout ce qu’elle désire, tout ce qu’on a laissé entrevoir à son ambition ; elle n’en aura qu’une partie, et n’est-ce donc rien que d’obtenir sans verser le sang, avec le concours des puissances protectrices, un agrandissement en Épire et en Thessalie ? Si la Grèce décline l’arbitrage de l’Europe, si elle se décide à se jeter dans l’aventure, à tenter « le sort des armes, » selon le mot de M. Coumoundouros, qu’espère-t-elle ? Sur quoi peut-elle compter pour se promettre le succès ? Les Grecs agiront par eux-mêmes, avec l’intrépidité de leur vaillante race, avec leurs propres ressources, soit. Ils ne négligent rien depuis quelque temps pour se préparer à la guerre ; ils multiplient les levées, ils exercent leurs soldats. Malheureusement cela ne suffit pas. Une lettre écrite d’Athènes, et récemment publiée à Londres par le Times, laisse voir avec peu de ménagement peut-être, non sans une certaine franchise sympathique, tout ce qui manque à ces forces militaires à peine ébauchées. Elle montre cette jeune armée grecque intelligente, courageuse de cœur, prompte à s’instruire, mais n’ayant ni organisation militaire, ni administration, ni services de transports et de vivres, ni hôpitaux. « Parmi les jeunes gens auxquels des commandemens sont réservés, ajoute avec un peu d’exagération sans doute le correspondant du Times, on ne sait pas s’il s’en trouve un qui sache conduire dix mille hommes d’Athènes à Thèbes. » Tout cela se formera au feu, c’est encore possible, — à la condition pourtant qu’on commencera par pouvoir tenir sérieusement la campagne. D’un autre côté, la Grèce, après avoir repoussé l’arbitrage de l’Europe, pourrait-elle se flatter d’avoir un jour ou l’autre quelque secours extérieur ?