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prétend que, si la société d’Athènes est médiocre, les servantes, les ouvrières, les Albanaises, y sont parfois admirables. Il dit avoir contemplé des servantes venues de Naxos et de Milo qui auraient éclipsé toutes les femmes de Paris, si on avait pu les faire infuser six -mois dans une eau courante (de l’eau courante à Athènes, quelle ironie !). Ai-je été moins heureux que M. Edmond About, ou son imagination a-t-elle transformé la réalité ? Quand tous les flots de la Seine baigneraient à satiété les servantes d’Athènes que j’ai vues, les Parisiennes n’auraient rien à craindre de la concurrence ; peut-être même ce bain prolongé aurait-il plus d’inconvéniens que d’avantages ; il en est des femmes de la Grèce comme de ses marbres : l’action du soleil, de l’atmosphère et de la poussière imprime à leur teint une couleur dorée, pareille à celle des épis mûrs, qui n’est pas sans grâce, et dont la disparition ne serait pas sans inconvéniens.

C’est le dimanche qu’il faut, à Athènes comme partout, parcourir les promenades publiques, si l’on veut voir de près la population, examiner les types, étudier les mœurs, observer les usages. Tous les jours, du reste, vers cinq heures, le boulevard principal, le Stade, et la route de Patissia se remplissent de promeneurs. Voitures, piétons, cavaliers suivent le même courant et font, au milieu de la poussière, une sorte de tour du lac monotone et mesquin. On descend d’abord le Stade, puis on enfile la route de Patissia, entre deux haies d’arbres malingres et de maisons communes. Sur la route de Patissia, on peut apercevoir, en passant, l’école polytechnique, grand édifice de marbre d’une richesse de construction incontestable ; mais il est préférable de regarder devant soi la plaine de l’Attique couverte d’oliviers et terminée par la chaîne tourmentée du Parnès. C’est un beau panorama quand le soleil couvre de ses derniers rayons les flancs du Parnès, allonge des ombres bleues dans leurs profondes crevasses, projette des lueurs dorées sur leurs saillies, nuance avec une inépuisable variété de tons leurs innombrables ondulations. Mais, au retour, le spectacle est plus beau encore. Les îles et les montagnes de la Morée apparaissent à droite, à gauche se dresse le Lycabette ; en face s’élèvent l’Acropole et ses ruines glorieuses. Je doute que beaucoup de promeneurs perdent leur temps à contempler ce tableau. Ne faut-il pas discuter sur les toilettes des femmes, sur l’élégance des cavaliers, saluer les amis et connaissances, voir et se faire voir ? Mais les voyageurs qui viennent à Athènes pour le Parthénon, et qui ne se soucient guère des détails de la vie moderne, ne peuvent s’empêcher de lever à chaque instant les yeux, non-seulement sur la route de Patissia, mais sur toutes les places publiques, mais dans toutes les rues de la ville, pour apercevoir la colline de l’Acropole surmontée de ses