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aux étrangers, et même aux Grecs des provinces et des pays ottomans. Je me souviens d’avoir rencontré cette impression en Chypre où, j’étais étonné de la trouver aussi vive. Les populations rurales, n’y marquaient aucun goût pour la réunion à la Grèce, et, lorsque, j’en exprimais ma surprise, on me répondait aussitôt que cela venait de la crainte que leur inspiraient les administrateurs et les politiques d’Athènes. Elles redoutaient, non sans quelque raison, que la premier résultat de la réunion à la Grèce fût une augmentation considérable de l’impôt foncier au profit, non de l’île elle-même, mais du royaume hellénique et de ceux qui l’exploitent souvent sous prétexte de le gouverner. Je ne serais pas étonné si ce sentiment existait aussi en Grèce et en Thessalie. Il est clair que jusqu’ici la terre ne peut supporter aucun impôt sérieux en Grèce ; elle est trop pauvre pour cela. Jadis la dîme florissait avec tous ses abus. Un ministre réformateur l’a supprimée. L’impôt sur le bétail, au moyen duquel on l’a remplacée, a donné d’assez médiocres résultats. Pendant que j’étais à Athènes, on parlait de supprimer à son tour l’impôt du bétail et de lui substituer un impôt foncier. Mais il n’y a pas de cadastre en Grèce ; cet impôt n’aurait donc été établi que sur des déclarations personnelles dans lesquelles il est assez difficile d’avoir confiance. Les bénéfices qu’il donnerait d’ailleurs ne seraient pas gros, puisque l’agriculture actuelle rapporte très peu. A part les raisins de Corinthe et les olives, les produits agricoles de la Grèce sont presque nuls ; or les raisins de Corinthe et les olives sont déjà soumis à une taxe. Jusqu’ici le peuple grec est le peuple de l’Europe qui rapporte le moins d’impôts. Presque tous les revenus publics sont alimentés par la douane, les impôts de mutation, le timbre et les raisins de Corinthe. Mais du jour où. des provinces douées d’un sol fertile, telles que la Thessalie, l’Épire ou Chypre seront annexées au royaume, l’impôt foncier deviendra une des principales ressources du pays. On s’explique que cette perspective ne séduise pas excessivement des populations qui ne professent qu’une estime modérée pour le personnel politique chargé d’administrer les finances grecques.

Dieu me garde de dire si elles ont tort ou raison ! Les Grecs d’Athènes, sans en excepter les politiciens, m’ont paru infiniment plus probes que les Grecs de l’empire ottoman ; mais le proverbe affirme qu’il n’y a pas de fumée sans feu, et la fumée est considérable. Le haut personnel politique, celui que j’ai observé de plus près, échappe aux critiques. C’est dans les rangs des administrateurs de second ordre, des consuls, des hommes de bureau qu’on rencontre de graves abus, Les causes de cette corruption sont nombreuses. Je n’en citerai que deux : l’instabilité des fonctions et la modicité des traitemens. La Grèce est le pays ; d’Europe où les