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dont les fonctions l’exposent à froisser certains intérêts, puisse marcher en présence de ces fluctuations continuelles ? Comment peut-on espérer que le personnel montre la fermeté nécessaire quand il voit que, du haut en bas de l’échelle, ce n’est ni le zèle, ni le dévoûment à ses devoirs qu’on récompense, mais les complaisances pour les puissans du jour, et que la disgrâce atteint inévitablement celui qui, à tort ou à raison, passe pour tiède à l’égard des institutions qui nous régissent ou qui a eu le malheur de mécontenter quelque orateur de cabaret ? Si ce personnel admirable et trop peu connu est resté fidèle à ses devoirs et n’a pas succombé au découragement, c’est que pour lui l’amour du pays s’incarne dans l’amour des forêts et qu’il croirait trahir le premier s’il laissait le second s’attiédir. Il ne faudrait pas cependant qu’un pareil régime pesât longtemps sur la France, car il finirait par la faire descendre au niveau des républiques américaines, où les places sont la proie des politiciens qui se les disputent, où les deniers de l’état viennent s’engouffrer dans les poches d’une tourbe d’aventuriers faméliques. Nous avons été de ceux qui, sans considérer la république comme un dogme, ont pensé que cette forme de gouvernement pouvait être acceptée sans arrière-pensée si elle assurait l’ordre et la liberté, si elle faisait respecter la justice et le droit. Serions-nous obligés d’avouer que nous nous étions trompés et de reconnaître, avec ceux qui l’ont toujours combattu, que le régime républicain, au lieu d’éteindre les divisions, ne peut que les aviver et qu’il ajoute l’instabilité administrative à l’instabilité politique ?


J. CLAVE.