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de débarquer sur l’île, qu’il espérait faire soulever. Grâce aux mesures prises par le commandant du Brandon et le capitaine de la Pique, les partisans d’Arevalo n’avaient pas bougé, Arevalo avait dû fuir et s’était abrité de vive force dans un rancho. Le second du Brandon s’était mis aussitôt avec une petite troupe de matelots à la recherche du fugitif. On avait marché toute la nuit et silencieusement entouré le rancho. Mais il n’y avait plus là que deux hommes blessés. Arevalo, qu’on savait atteint de deux coups de feu à la cuisse, avait été emporté dans un cadre sur les épaules de quatre de ses compagnons, s’était ensuite jeté dans une grande embarcation et avait gagné le large.

En somme, sans parler de cette alerte, Palizada était pris, et comme c’était de là que Carmen tirait tout son bois d’exportation, le commerce de la presqu’île était complètement arrêté et découragé. Le Yucatan lui-même se montrait inquiet. Il était doublement malheureux, dans cette partie du Mexique, que, l’expédition du Tabasco n’eût pas eu lieu, car nos partisans désespéraient de nous voir réussir et les dissidens commençaient à croire à notre impuissance. Dans cette idée, les Tabasquenos s’étaient enhardis à établir à l’entrée du Chillepèque une petite batterie soutenue par un poste fortifié de deux cents hommes. Quoique le commandant Cloué fût encore retenu au nord, sa pensée se tournait très activement vers le sud. Il expédiait ses ordres et maintenait le blocus fort étroitement en vue d’une expédition de guerre. S’il écrivait au capitaine de la Tourmente, à la Frontera, c’était pour lui dire qu’il regrettait de ne pouvoir être déjà auprès de lui pour prendre Pratz entre deux feux, les canonnières remontant par l’Usumacinta et les canots du Magellan par la lagune. Il lui recommandait de veiller sur le Conservador, qui pouvait craindre d’être seul, et de lui remonter le moral en faisant une justice sommaire des perturbateurs, s’il y en avait. Un regrettable incident justifiait ces paroles.

Le chef de bandes Regino avait osé occuper quelques heures la Frontera et avait écrit une lettre insolente au capitaine de la Tourmente sur le pont de laquelle un homme avait même été tué. Le capitaine avait hésité, pour répondre à cette agression, à foudroyer une ville de gens inoffensifs et s’était abstenu. La mise en avant des questions d’humanité a fait trop souvent notre faiblesse au Mexique. Dès qu’un homme était tué sur son pont, le commandant eût mieux fait de tirer sans pitié sur le point d’où était parti le feu. De son côté, la Pique allait bloquer le Chillepèque et les Dos Bocas. Quant au vapeur le Tabasco, qui allait librement de Vera-Cruz à San-Juan-Bautista, on le traitait toujours avec les égards que lui valait son rôle de négociateur occulte. Le commandant Cloué annonçait surtout son arrivée au Brandon, qui par sa position à Carmen, le grade