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au prix qu’il lui plaisait. Ce n’était certes pas une raison, si Campêche n’avait pas de port, pour que Carmen en supportât les conséquences ; mais on était, de ce côté-là, avec la témérité de l’égoïsme, aussi ingrat qu’envers Tuspan, qu’on avait fermé. Mexico ne frappait que ses amis ou ses partisans. En dehors même des menées coupables qu’on pouvait soupçonner, c’était tout au moins ne pas avoir de chance.

Le succès de Jonuta n’avait pas eu de lendemain. Le colonel Traconis, avec sa garnison mexicaine, y était attaqué quelquefois, enfermé toujours. La surveillance du demi-blocus n’était pas non plus facile. Nos canonnières, lorsqu’elles remontaient les arroyos, étaient reçues à coups de fusil sans y pouvoir répondre, car elles n’apercevaient qu’un peu de fumée au-dessus des broussailles de la rive. Les employés du Conservador à la Frontera n’étaient point sûrs et se querellaient entre eux. De plus, les dissidens avaient établi une ligne de douanes intérieures et, le prix de toutes choses se trouvant ainsi doublé, le commerce impérial périclitait par l’absence ou le très petit nombre de consommateurs qui pussent payer, sans restreindre leurs besoins, la valeur exagérée des objets.

À Alvarado, la position des Français et des Égyptiens était excessivement pénible. Nul ne leur parlait, ne les recevait. S’ils passaient dans la rue, on les évitait ou l’on fermait devant eux la porte des maisons. L’aversion mexicaine pour nous s’y manifestait par ces protestations silencieuses qui peuvent d’abord être méprisées ou dédaignées, mais qui finissent par gêner et attrister les gens les plus insoucians. Nos matelots et nos soldats résistaient, mais, chose bizarre, les Égyptiens tournaient à la nostalgie et mouraient. Aux environs de la Vera-Cruz, le peu de sécurité des chemins, le brigandage, les irruptions soudaines des guérilleros, la difficulté de se procurer des vivres étaient les mêmes. On y était cerné par d’insaisissables bandes et on n’eût pu en sortir individuellement.

Au Centre et à l’Ouest, la soumission de la Huesteca qui, semblait de voir être la conséquence du fameux traité Ugalde, était loin d’être un fait accompli. Le traité n’avait été conclu par les libéraux que pour avoir le temps de réunir leurs forces et d’agir au moment de l’arrivée des flibustiers que l’on annonçait. Ugalde avait réalisé son argent et tourné casaque. Tuspan, toujours mécontent, bien que, sur les observations du commandant Cloué, on eût rouvert son port, ne cessait d’être menacé. Les bâtimens que l’on y envoyait avaient été autorisés à secourir les habitans à terre, s’ils voulaient se défendre encore comme ils l’avaient fait déjà, mais il était douteux qu’ils y fussent résolus, l’Adonis était au mois