Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/688

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après le combat d’Ahuacatlan, qu’Ugalde, à San Felipe, avait fait fusiller les officiers d’un détachement qu’il avait surpris ; que, le 7 octobre enfin, les prisonniers du chemin de fer avaient été odieusement traités et mis à mort. En conséquence, le maréchal faisait savoir aux troupes qu’il n’admettait plus qu’on fît de prisonniers. Tout individu, quel qu’il fût, pris les armes à la main, serait mis à mort. Aucun échange de prisonniers ne serait fait à l’avenir. Il fallait que les soldats sussent bien qu’ils ne devaient pas rendre leurs armes à de pareils adversaires. C’était une guerre à mort qui s’engageait entre la civilisation et la barbarie. Des deux côtés il fallait tuer ou se faire tuer.

Cette circulaire fut de la part du maréchal moins un acte de représailles que de colère. Peut-être l’écrivit-il pour creuser un abîme entre les libéraux du Sud, entre tous les libéraux en général et lui-même. Il n’y avait eu rien à faire avec tous ces gens-là, il ne voulut pas qu’on pût rien imaginer de nouveau avec eux pour l’avenir. Pour le moment, dût-il jouer le jeu de l’empire, il ne s’occupa plus que d’une solution au Nord, et s’il n’eût été trop tard, c’était à la fois ce qu’il y avait de meilleur pour nos intérêts et de phis honorable pour le maréchal.

La situation de Matamoros, où allait se débattre la question du succès des dissidens au Nord et de l’intervention américaine, était depuis longtemps inquiétante. Dès le mois d’août, les Américains, s’ils n’étaient pas encore décidés à franchir la rivière, protégeaient du moins ouvertement Cortina et lui fournissaient des armes. La troupe de Mejia diminuait sensiblement, et l’influence du général lui-même était paralysée par un commissaire impérial Portilla et le ministre des travaux publics, M. Robles, dont la conduite à tous deux donnait lieu aux plus graves soupçons. Un incident survenu entre le commandant Bryan et le général américain Brown avait fait décider au maréchal que le bataillon étranger quitterait, Matamoros le plus tôt possible. le départ des troupes françaises avait été fêté Comme une victoire par tous les Mexicains sans exception. Tout le monde conspirait hautement, s’entendait avec Cortina, lui payait des droits pour des passe-ports ou le libre passage de marchandises. Les employés du gouvernement étaient des juaristes zélés. Mejia, annulé et dégoûté, laissait faire, et l’opinion était que Cortina entrerait avant longtemps dans Matamores sans coup férir. Quelques jours plus tard, le 11 décembre, M. Robles, qui avait dû revenir à Vera-Cruz, restait à Matamoros. Bien qu’il ne fût pas arrivé de nouvelles troupes à Brazos et qu’il fût, au contraire, sorti de la rivière plusieurs vapeurs chargés de noirs pour la Nouvelle-Orléans, on s’attendait néanmoins à une attaque renforcée d’Américains. Les inquiétudes grandissant, on eût voulu confier la garde