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de thym pour alimenter les chameaux de la caravane. Enfin un parti puissant nous attendait en un point considéré comme une des étapes obligées de la route, le puits de Kechaba. Une manche forcée de neuf journées sans rencontrer un seul point d’eau, a seule pu déjouer les projets d’attaque. »

A partir de Ouargla, la mission retrouva la sécurité et put reprendre le canevas géodésique avec levé de détail. Un long chapelet d’oasis s’égrène devant les pas du voyageur. Les populations sont soumises, l’eau ne manque nulle part ; sauf la chaleur, qui commençait à devenir excessive, et l’absence de points de repère dans un pays parfaitement plat, rien ne gêna les études. Elle ne s’arrêta plus qu’à Biskra, où elle arriva le 16 avril, après avoir parcouru 1,250 kilomètres en trois mois et une semaine ; Grâce à une hygiène sévère, elle n’avait pas perdu un seul homme. L’expédition Flatters, dont nous parlerons tout à l’heure, a joui de la même immunité : ce double exemple confirme ce que l’on savait déjà de la salubrité du Sahara. Considérés en eux-mêmes, les deux tracés étudiés par M. Choisy sont de valeur bien inégale. Les 450 kilomètres qui séparent Laghouat d’El-Goleah sont compris presque tout entiers dans le plateau crétacé du M’zab ; le sol y a, dans la première moitié du trajet, la physionomie de ce que les Arabes appellent la kamada ; il est dur, rocailleux, poli par les vents, sans terre végétale ; stérile et désolé ; dans la seconde, il est raviné par de nombreuses vallées orientées vers le sud-est ; les bords de ces vallées sont heureusement peu escarpés. Quatre chaînes de dunes détachées des aregs et parallèles à ces vallées coupent le tracé et exigeraient 5 kilomètres de tunnel. L’eau est rare. L’ingénieur des mines, M. Rolland, qui s’est spécialement occupé de l’hydrographie, ne croit pas à la possibilité d’obtenir des eaux artésiennes par des sondages de profondeur modérée ; les nappes d’infiltration qui alimentent les puits indigènes sont d’un faible débit, et ce sont les seules sur lesquelles on puisse compter. Ces eaux, comme la plupart des eaux sahariennes, sont très chargées de sels terreux et de chlorures ; il faut s’attendre à ce qu’elles incrusteront fortement les chaudières des locomotives. Il n’y a point d’autre population sédentaire sur le parcours que celle du M’zab, qu’on évalue à trente mille âmes ; ce pays est si pauvre qu’un tiers des habitans émigrent chaque année pour aller trafiquer au loin ; il ne possède que quatre-vingt-huit mille palmiers. La nature ne semblait pas l’avoir fait pour être jamais aussi peuplé, mais, jaloux de leur indépendance, séparés du reste des hommes par leurs doctrines que repoussent les musulmans qui les entourent, repliés sur eux-mêmes, les M’zabites ont fait violence au désert pour se constituer