Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/714

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos tribus ; l’année dernière, on leur a volé encore quinze cents chameaux et une escouade du train, surprise sur la route d’El- Aricha à Sebdou, a eu deux hommes tués. On a vu, en outre, que quelques-unes des missions chargées d’étudier le tracé du Transsaharien ont été arrêtées par la nouvelle d’une nouvelle incursion qui se préparait et que d’autres ont été gravement inquiétées dans leurs travaux. L’état de guerre est permanent de ce côté, et cette insécurité empêche souvent nos tribus de jouir de leurs pâturages. L’autorité du Maroc sur les tribus que nous avons citées est absolument nulle ; elles ne paient point d’impôt, n’obéissent à aucun ordre, se battent fréquemment entre elles et vivent de fait dans la plus parfaite indépendance. Cette indépendance, elle est virtuellement reconnue par les deux puissances intéressées elles-mêmes, par la France, puisque ce n’est que dans des cas exceptionnels qu’elle a demandé compte au gouvernement marocain des déprédations dont elle est la victime, par le Maroc, puisqu’il a parfaitement toléré à différentes reprises que nos colonnes aillent châtier ces brigands sur le territoire qui est censé lui appartenir ; en 1870, la colonne du général de Wimpfen s’est avancée jusqu’à 320 kilomètres au-delà de la frontière telle qu’elle est marquée sur les cartes. Une pareille situation est intolérable ; armés de la trop longue liste de toutes ces violations de notre territoire, forts de l’impuissance du Maroc à maintenir l’ordre bien avérée par trente-cinq ans d’expérience, nous avons le droit et le gouvernement a le de voir d’en demander le règlement. Comment ? Tous les officiers, tous les voyageurs, tous les hommes qui ont eu l’occasion de s’occuper de la question sont unanimes. Certes, l’opinion du voyageur allemand Gérard Rohlfs est bien désintéressée ; or voici ce qu’il dit : « Avant tout, les Français devraient transporter leurs frontières jusqu’à l’Oued-Messaoura, s’emparer de cette rivière et de ses affluens, ce qui entraînerait la soumission du Touat : c’est d’ici, en effet, que partent toutes les difficultés, tous les désordres, et tant qu’ils n’occuperont pas ces frontières naturelles, il n’y aura aucun calme durable dans le sud de la province d’Oran. » Est-ce là une difficulté de nature à faire rejeter le tracé occidental ? De ce qu’on vient de lire, il n’est point téméraire de conclure que cette rectification de frontière pourrait s’obtenir par un accord avec le Maroc ; il faudrait au moins le tenter. Il n’y aura réellement difficulté qu’après qu’on aura échoué, si on échoue.

Reste le Touat. Là nous sommes absolument libres, rien ne nous lie les mains. Le traité de 1845 dit formellement : « Article 6. Quant au pays qui est au sud des ksours des deux gouvernemens (ksours désignés dans l’article 5), comme il n’y a pas d’eau, qu’il est inhabitable et que c’est le désert proprement dit, la délimitation en