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L'AVENIR POLITIQUE
DE
L'EMPIRE ALLEMAND

Il y a dix ans révolus que le nouvel empire germanique a été proclamé au. château.de Versailles, dans la galerie des glaces, en face d’un autel recouvert d’un drap rouge où se détachait l’image de la croix de fer prussienne. Dix années bien employées comptent dans la vie d’un peuple, et il est naturel qu’au commencement de 1881, beaucoup d’Allemands aient senti le besoin de se recueillir, de rentrer en eux-mêmes, de faire leur inventaire et leur bilan, de dresser l’état de leurs profits et de leurs pertes. — Où en sommes-nous ? se sont-ils demandé. Noire situation présente répond-elle aux espérances que nous avions conçues ? Nous avons fondé notre nouvel établissement politique à la sueur de nos fronts ; Dieu sait tous les efforts, tout le sang qu’il nous a coûtés. Un avenir glorieux et tranquille lui est-il réservé ? nos peines ont-elles été suffisamment payées ? ceux qui nous gouvernent savent-ils bien où ils vont et nous mènent-ils où nous voudrions aller ? bref, sommes-nous contens et avons-nous le droit de l’être ?

« Notre jeune empire allemand vient d’achever son deuxième lustre, lisons-nous dans une, brochure récemment publiée, par un ministre d’état du grand-duché de Baden, devenu président de la haute cour des comptes. Quand on considère le chemin parcouru, on devrait s’attendre à rencontrer partout ce sentiment de douce satisfaction qui convient à un peuple, lorsque après des siècles de vaines aspirations et de laborieux efforts, il a vu ses rêves s’accomplir. Il n’est pas même nécessaire de regarder au dehors pour que celui d’entre nous qui a l’humeur la plus chagrine sente battre son cœur en comparant les honneurs qui sont