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peu au lendemain, se reposant dans la satisfaction du résultat qu’il croyait avoir conquis, se laissait aller à dire : « Après deux années de négociations, notre persévérance a été couronnée de succès. La conférence de Berlin vient de prononcer une décision finale en harmonie avec nos désirs. Dès lors, l’Europe nous a déchargés de notre mandat bénévole ; elle s’est approprié nos vues, elle s’est donné la mission d’en pour suivre l’exécution. Elle les réalisera à son heure, suivant les voies qui lui conviendront ; mais la Grèce est armée désormais d’un litre irréfragable. La Turquie est mise en demeure de se conformer, dans son propre intérêt, au sage avis des puissances médiatrices ou de précipiter ses destins en courant les chances d’une crise dont l’obscurité de l’avenir dérobe peut-être à ses regards les conséquences funestes, mais dont la résistance aveugle rendrait certainement l’échéance inévitable. » M. de Freycinet se hâtait d’ajouter, il est vrai, que « conséquente avec elle-même, la France se doit et doit à ses alliés de leur rappeler qu’elle a, dès l’origine, exclu de ses prévisions, dans l’affaire grecque, l’hypothèse d’un recours à la coercition matérielle… » La réserve était certainement sage et nécessaire ; mais alors à quoi bon s’applaudir si aisément pour un résultat destiné à être sitôt démenti ? Pourquoi ces interprétations excessives d’un acte propre uniquement à enflammer, à enivrer d’illusions un petit peuple et dénué de toute garantie efficace ? Pourquoi ne pas dire tout simplement qu’on a sans doute des sympathies traditionnelles pour la Grèce, mais que, n’ayant aucun secours à lui offrir, on ne peut ni l’abuser par cette déclaration d’un « titre irréfragable, » ni lui laisser le moindre prétexte de se jeter dans de périlleuses aventures ?

Le malheur est qu’avec les meilleures intentions, sans avoir précisément commis des fautes irréparables, on s’est laissé un peu échauffer par l’apparence d’un’ rôle séduisant, on a cédé à l’impatience de saisir l’occasion d’un succès qu’on croyait facile, qu’on s’était flatté dans tous les cas de placer sous la sanction et la sauvegarde de l’Europe. Le résultat est cette situation qui n’a pas tardé à se manifester, où une solution représentée comme définitive est devenue impossible, où le prétendu « titre irréfragable » consacré à Berlin semblé abandonné par l’Europe elle-même, et où ce qu’il y a eu de plus sage pour le nouveau ministre des affaires étrangères entrant au pouvoir sur ces entrefaites a été d’essayer de s’arrêter, de renouer avec les cabinets des délibérations plus conformes aux circonstances. M. Barthélémy Saint-Hilaire, dans la discussion sénatoriale du mois dernier, demandait qu’on lui fît crédit d’un peu de confiance. Cette confiance, il la méritait assurément, il l’a justifiée par les efforts qu’il a multipliés depuis quelques semaines pour la netteté de nos relations et pour le bien de In paix. Est-ce à dire qu’il ait eu à modifier complètement la politique extérieure qu’il a reçue de ses prédécesseurs ? Non sans doute, il y