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dans ses dernières semaines, Si l’idée a été accueillie partout, sous certaines conditions toutefois, il faut bien dire qu’il n’y a eu guère d’illusion nulle part, ni à Berlin, ni à Vienne, ni à Saint-Pétersbourg, el le doute qui s’est élevé partout n’a été que trop tôt justifié par le résultat. Entendons-nous ; rien n’a été officiellement proposé et repoussé. Il s’agissait, au contraire, de déterminer la Porte et la Grèce à prendre l’initiative, à demander l’arbitrage des puissances, en s’engageant d’avance à se soumettre à tout ce qui serait décidé. C’est ce qu’on n’a pu Obtenir, c’est ce qui a échoué devant les répugnances des Turcs et ce qui aurait aussi vraisemblablement échoué devant les répugnances des Grecs.

Dans quels termes reste donc à l’heure qu’il est cette redoutable question, sept mois après la conférence de Berlin ? De l’œuvre de cette conférence on n’en parle plus que pour la ranger parmi les documens historiques. L’arbitrage lui-même est tombé dans les eaux de Constantinople comme il serait tombé infailliblement dans les eaux du Pirée, et les Grecs montrent toute l’animation d’un peuple sourd à tout conseil, prêt à entrer en campagne, poussant ses forces à la frontière, tandis que les Turcs les attendent de pied ferme, résolus à soutenir énergiquement la lutte, à rendre guerre pour guerre. C’est là assurément une situation plus que jamais périlleuse. D’un autre côté, cependant, le dernier mot de la diplomatie ne semble pas dit encore. Si l’arbitrage, a disparu, une proposition nouvelle vient de surgir. Les Turcs, par une dépêche habilement conciliante qui n’est point sans avoir produit une certaine impression, offrent de négocier, non pas par voie de conférence ou d’arbitrage, mais directement avec les puissances, et il n’est point impossible que, satisfaits dans leur orgueil, ils soient disposés à-quelques-unes de ces concessions sur lesquelles le baron Haymerlé comptait il y a quelques semaines. Qu’en sera-t-il ? C’est encore le secret des délibérations des cabinets aujourd’hui, Ce qui touche essentiellement la France pour le moment au milieu de toutes ces agitations, c’est que M. le ministre des affaires étrangères semble bien décidé à s’inspirer avant tout de l’intérêt supérieur de la paix ; il ne le cache pas, il pousse même au besoin, avec un certain pathétique, le cri d’alarme, et quand on parle de la nécessité de la paix, est-ce donc par un sentiment de défaillance ? Est-ce par une sorte de défection aux destinées et à la grandeur du pays ? Est-ce pour se faire un système commode de cette « paix à tout prix » qui, dans des temps plus heureux, a été le thème banal de tant d’oppositions et de déclamations ? On sait bien que tout est changé, qu’il n’y a aucune ressemblance entre l’époque où la u paix à tout prix » était un mot de guerre contre un gouvernement et le moment présent. La France a aujourd’hui toutes sortes de raisons de désirer la paix. La première raison, c’est qu’il paraîtrait vraiment assez étrange, de chercher à enflammer le pays pour la