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supérieur à celui de la laine, et que la laine a un lustre supérieur à celui du coton ; en outre, la disposition des fibres dans le tissu peut les rendre plus ou moins aptes à réfléchir la lumière ; de là les différences d’aspect que présentent les tissus de coton, de soie ou de laine teintés. La physique peut donc expliquer d’une manière très simple la plupart des faits qui ont rapport aux couleurs ; mais elle ne peut se passer du secours de la physiologie, à laquelle ressortissent les phénomènes si complexes que l’on comprend sous le nom d’effets de contraste.

On sait qu’on peut notablement changer l’aspect que nous présente une surface colorée, qu’on peut en modifier la teinte, sans agir directement sur elle ; il suffit pour cela de changer la couleur qui lui est contiguë ou le fond sur lequel elle se projette. Ces changemens, ces effets singuliers de contraste, sont dus en partie à des phénomènes réels dont l’œil est le siège, en partie à des incertitudes d’appréciation de la part de l’observateur, et s’expliquent par la fatigue des nerfs. Le contraste peut nuire à certaines couleurs, ou bien les favoriser : il peut les faire paraître plus riches en augmentant leur degré de saturation naturel, ou bien, en diminuant cette saturation, leur donner un aspect pâle, terne, et même sale. Par le contraste, on peut obtenir qu’elles présentent plus que leur éclat naturel ; alors elles nous paraissent belles, même lorsque leurs teintes naturelles sont de celles qui, isolées, seraient appelées faibles et ternes. « C’est ainsi, dit M. Rood, que des tableaux presque entièrement composés de teintes qui semblent par elles-mêmes modestes et rien moins que brillantes, nous paraissent souvent présenter les couleurs les plus vives et les plus splendides ; de même, il peut souvent arriver que les couleurs les plus voyantes soient disposées de manière, à offrir l’aspect de couleurs tout à fait médiocres… Dans la combinaison des couleurs, de leurs ornemens ou de leurs tableaux, les peintres de tous les temps ont nécessairement obéi aux lois du contraste, qu’ils ont pour ainsi dire devinées, comme les enfans qui marchent et sautent obéissent aux lois de la pesanteur, bien qu’ils n’en soupçonnent pas l’existence. » Ces lois du contraste, ces changemens d’intensité, de nuance et de luminosité, produits par le voisinage de deux couleurs, sont, on le pense bien, une source de perplexités et de confusion pour les commençans, qui sans cesse sont trompés par des apparences dues à cette cause. C’est pour cela qu’un livre comme celui que vient de nous donner M. Rood est appelé à rendre des grands services aux artistes et aux amateurs, en les familiarisant avec la nature des obstacles qu’ils rencontreront sur leur chemin, et en leur signalant l’existence de difficultés contre lesquelles ils lutteraient vainement.


Le directeur-gérant : C. BULOZ.