de Sens ! Aujourd’hui il est bien tard. » Les événemens ne devaient donner que trop raison à ses pressentimens, et les vrais amis de sa gloire auraient dû souhaiter pour lui, au lieu de ce retour de prospérité, qu’il mourût, comme Turgot, dans l’opposition et la disgrâce.
II.
La seconde partie de la carrière politique de M. Necker est loin d’avoir enrichi les archives de Coppet de documens aussi nombreux que la première. Lorsqu’en 1798, les armées du Directoire envahirent le pays de Vaud, M. Necker, par un sentiment très honorable, fit un triage de ses papiers, et brûla « tout ce qui, disait-il, aurait pu compromettre quelqu’un, » c’est-à-dire tout ce que ces papiers devaient contenir de plus intéressant. Ceux qu’il a laissés subsister ne jettent aucun jour nouveau sur les événemens auxquels M. Necker a été mêlé. Aussi n’ai-je rien d’autre à faire que de passer très rapidement sur ces événemens, n’ayant point l’intention de discuter ni de juger la ligne de conduite que M. Necker a cru devoir suivre. Je me permettrai cependant une réflexion : c’est qu’entre ceux qui accusent M. Necker d’avoir, par impéritie sinon par trahison, précipité les malheurs de la révolution française, et ceux qui essaient plus ou moins timidement de le défendre, la partie n’est pas tout à fait égale, car la ligne de conduite qui n’a pas été suivie est toujours celle dont il est le plus facile de démontrer victorieusement les avantages. Il ne faut pas un grand effort de sagacité pour découvrir que M. Necker a fait une imprudence en accordant la double représentation du tiers, et qu’à la célèbre formule de Sieyès : Qu’est-ce que le tiers-état ? Rien, Que doit-il être ? Tout, on pouvait théoriquement répondre : Le tiers-état ne doit être ni rien ni tout ; il doit être quelque chose. Mais il serait moins aisé de démontrer qu’un ministre porté au pouvoir par le mouvement de l’esprit réformateur pût se refuser à cette concession, alors qu’un des frères du roi s’était publiquement prononcé en ce sens et que la reine elle-même avait fini par se rallier à un système adopté au reste depuis longtemps dans quelques pays d’état et entre autres en Languedoc. Pas n’est besoin non plus d’avoir beaucoup d’esprit pour railler, après coup, ceux dont l’enthousiasme un peu crédule rêvait la transformation pacifique de la monarchie administrative en une monarchie constitutionnelle, et de dire que les concessions du roi et de ses ministres devaient infailliblement perdre la royauté ; mais encore faudrait-il démontrer qu’en réponse au mouvement des esprits, il fût possible à Louis XVI de prendre le ton de Louis XIV, et à M. Necker l’allure de Richelieu. Grande est sans doute la