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son séjour, et bien qu’il fût à coup sûr fort intéressant de montrer aux visiteurs la chambre de Bayle, on ne pourrait le faire que par une petite supercherie dont il ne serait point impossible à la vérité de trouver, dans le pays même, d’autres exemples.

Du comte Frédéric de Dohna, le château de Coppet passa au comte Alexandre, son fils, l’un des élèves de Bayle. Mais celui-ci, après avoir possédé le château assez longtemps, le vendit, en 1713, au baron Sigismond d’Erlach, Prussien de naissance et colonel des cent-suisses. Celui-ci s’en défit au bout de deux ans, et de ventes en reventes successives, la baronnie, qui ne paraît avoir inspiré un vif attachement à aucun de ses nombreux propriétaires, finit par arriver aux mains de noble Pierre Germain de Thelusson, ancien associé de M. Necker. Ce fut à lui que M. Necker l’acheta. Lors de cette dernière vente, il y avait déjà près d’un siècle que le pays de Vaud était sous la domination de Leurs Excellences de Berne, et Leurs Excellences intervenaient dans chacun de ces contrats pour asseoir leur autorité par des conditions qui n’avaient, on va le voir, rien de libéral. C’est ainsi que, dans le contrat passé au profit du baron d’Erlach, l’acte d’investiture est donné par le trésorier du pays de Vaud au nom de Leurs Excellences de Berne, aux deux conditions suivantes :


1° D’être bon, loyal et féal vassal de Leurs Excellences de Berne, nos souverains seigneurs et supérieurs, maintenir et procurer leur autorité, honneur et profit, et éviter leur perte, déshonneur et dommage de tout son possible, et tant qu’il sera fière leur souveraineté, obéir et observer leur mandemens et commandemens, leurs ordonnances et statuts par eux établis ou à établir, tant au regard du gouvernement de leur état que de la religion réformée et discipline ecclésiastique, sans y contrevenir, ni permettre aucune chose contraire.

2° Item, que ladite baronnie ne pourra être possédée par aucune personne de religion contraire à la religion réformée, quand même ce seraient des héritiers ou descendans du seigneur baron, à moins qu’au préalable ils n’en ayent obtenu la permission et l’investiture de Leurs Excellences de Berne.


Cette clause, qui refusait à tout catholique le droit de devenir propriétaire dans le pays de Vaud, était tout à fait en harmonie avec la législation d’un petit pays qui donnait alors, tout protestant et républicain qu’il fût, le spectacle des mêmes actes d’intolérance si justement reprochés à la France catholique et monarchique. C’est ainsi qu’à la fin du XVIIe siècle, une profession de foi ou consensus ayant été rédigée par ordre de Leurs Excellences de Berne,