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considérables, certaines matières organiques, et il a obtenu une matière noire, compacte, qui a l’aspect, la composition et toutes les propriétés de la houille. La nature a dû procéder pour faire la houille de la même manière que M. Frémy pour l’imiter. Les forêts antédiluviennes qui croissaient sur un sol humide ont d’abord accumulé de la tourbe, que la mer a enterrée sous l’épaisseur considérable des dépôts qu’elle amassait. Ces dépôts produisaient deux effets : ils comprimaient les couches végétales et les couvraient d’un manteau qui empêchait leur refroidissement. Comprimée et chauffée pendant des périodes d’une incalculable durée, la tourbe s’est changée en houille, s’est refroidie lentement et nous a laissé ces précieuses assises que l’homme va chercher aujourd’hui à de grandes profondeurs et au prix des plus rudes efforts. Faut-il ajouter que les végétaux, quand on les chauffe, laissent échapper des matières gazeuses et que la houille doit en avoir conservé dans sa masse ? Elle retient en effet un gaz particulier qu’elle abandonne pendant l’extraction et auquel les mineurs ont donné le nom de grisou.

Le grisou est un mélange dans lequel on trouve de l’azote et de l’acide carbonique, très peu d’oxygène et une quantité d’hydrogène protocarboné tellement prédominante qu’elle efface tous les autres gaz. Ce dernier, ainsi que l’indique son nom, est formé par la combinaison de l’hydrogène avec le charbon ; il contient les mêmes élémens que le gaz d’éclairage ; il en diffère en ce que la même quantité de charbon y est unie à une proportion double d’hydrogène. Il se forme dans la décomposition de tous les végétaux, et l’on peut s’en procurer d’énormes quantités en fouillant les boues des étangs ou des rivières : elles en sont remplies et le laissent échapper à gros bouillons ; aussi le nomme-t-on souvent gaz des marais. Il n’est point étonuant que la houille, ce résidu fossile de végétaux, ait conservé jusqu’à nos jours le gaz qui accompagnait sa formation.

Le grisou n’a ni couleur ni odeur ; s’il est quelquefois accompagné d’une saveur de pomme, ou s’il pique aux yeux, cela tient à des matières étrangères auxquelles il est accidentellement mêlé. Il n’est pas anesthésique comme le chloroforme ; ce n’est pas un poison comme l’oxyde de carbone ; c’est un gaz irrespirable comme l’azote, qui ne tue ni n’empoisonne, mais qui ne fait pas vivre. Il est près de moitié, moins lourd que l’air, et c’est une heureuse propriété, car il monte au plafond des galettes et se tient en haut hors de l’atteinte de l’homme ; il se réfugie surtout dans les cavités élevées qu’on nomme cloches, mais peu à peu il se diffuse, se mêle à l’air et atteint même les couches contiguës au sol. On voit qu’il se conduit à l’inverse de l’acide carbonique et