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À ce moment, la vitesse du courant gazeux contre-balançait celle de la flamme ; l’une détruisait l’autre, et par conséquent la mesurait. Elle est bien loin d’être aussi grande qu’on le croyait ; on la supposait énorme, elle ne dépasse pas au maximum 0m,62 à la seconde, ce qui ne fait guère plus de 2 kilomètres à l’heure. Si donc il était permis d’étendre ces résultats à une galerie de mine, on voit que, l’air y étant immobile, les ouvriers sans trop se presser pourraient fuir devant le danger ; mais comme il y a toujours un courant de ventilation qui atteint et souvent dépasse la vitesse de 0m,60, il en résulterait que le feu ne pourrait pas remonter le courant et qu’il le descendrait avec une vitesse au moins double. Cela malheureusement n’est point exact ; on ne peut rien conclure des expérience de laboratoire, si bonnes qu’elles soient, par la raison qu’elles ont été faites en des tubes ouverts et que les mines sont à peu près closes et qu’il faut compter sur les énormes pressions que la déflagration y fait tout à coup naître ; ces pressions changent et exagèrent les courans, soulèvent de véritables ouragans, des ouragans de feu, et ce qui les rend particulièrement destructives, c’est qu’elles entraînent avec elles des nuages épais de poussières noires éminemment combustibles, qui ajoutent, s’il est possible, à l’horreur de la situation et dont nous allons nous occuper.


III

Tout le monde a fait ou peut faire la curieuse expérience qui consiste à jeter sur une bougie allumée une poignée de poudre de lycopode ; c’est le pollen très divisé que répand en abondance le lycopodium clavatum au moment de la fécondation et qu’on recueille pour saupoudrer les membres des nouveaux-nés. Aussitôt qu’elle atteint la flamme, cette poussière s’allume et répand autour d’elle un nuage de feu qui est instantané et n’offre aucun danger. C’est par ce moyen qu’au théâtre on cherche à imiter les éclairs. Quant à l’explication, elle est exactement celle que nous avons donnée des détonations du grisou : les grains de lycopode sont combustibles ; si l’un d’eux rencontre une flamme, il brûle et développe assez de chaleur pour échauffer ses voisins, jusqu’à la température nécessaire à leur combustion ; ils s’allument à leur tour et l’incendie progressivement propagé de grain à grain s’étend rapidement à la masse entière.

On comprend que la nature de la poudre est ici tout à fait indifférente et qu’on pourrait remplacer le lycopode par toute autre poussière combustible, pourvu qu’elle fût assez menue ; il n’y a d’autre différence que l’inflammabilité de la substance. À cause de cela, la poudre de soufre est tellement dangereuse qu’on a dû