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s’est ralliée aussitôt, parce qu’elle y a trouvé l’expression de sa propre pensée, de son propre désir de ne pas se laisser entraîner sur la foi d’engagemens spécieux ou chimériques.

Ce qu’il y avait pour le moment, en effet, de plus pressant dans l’intérêt de tout le monde, c’était d’éclaircir et de redresser une situation où l’on se sentait dans l’équivoque, presque dans l’aventure par suite de déviations apparentes, d’interprétations exagérées des délibérations, des intentions, de la politique des puissances. Que l’Europe dès le début, au congrès de Berlin, ait voulu dans un intérêt de paix générale en Orient, satisfaire la Grèce par une extension de frontières en Épire et en Thessalie, c’est le seul point bien clair et suffisamment établi : au-delà tout est plus ou moins arbitraire. On n’a pas évidemment voulu, même à la dernière conférence de Berlin qui n’a été qu’une suite du congrès de 1878, on n’a pas pu vouloir constituer au profit de la Grèce un titre irrévocable, « irréfragable, » tel que les Hellènes eussent désormais le droit de le faire valoir à main armée, et que l’Europe fût obligée de soutenir jusqu’au bout une revendication de territoires contestés. On n’a pas pu vouloir se lier à ce point qu’il n’y ait plus possibilité de revenir sur ses pas, de toucher au tracé de frontière imaginé par la conférence de Berlin, de chercher d’autres moyens, une autre solution, fût-ce par des concessions nouvelles de la Turquie et de la Grèce. On a pu d’autant moins avoir cette pensée que les dispositions des puissances étaient connues depuis longtemps, que les cabinets avaient décliné d’avance tout ce qui pourrait ressembler à une sanction effective par voie de a coercition matérielle. » Le soin même qu’on a mis à décliner d’avance toute responsabilité réelle et matérielle exclut l’intention d’avoir voulu donner à une décision amiable, bienveillante, le caractère d’un acte obligatoire, impérieux et définitif. La vérité est qu’on a trop abusé de cette décision de la conférence de Berlin en la représentant comme un titre désormais inaliénable, exécutoire au profit de la Grèce, comme un engagement indéclinable pour les puissances qui l’ont sanctionnée avec plus de bonne volonté que de réflexion. Le mal est venu de cette idée fausse, tout au moins excessive, de ces interprétations exagérées qui ont eu pour effet de justifier jusqu’à un certain point les illusions et les ambitions des Grecs, d’enflammer leurs passions guerrières et de conduire l’Europe en face de complications imminentes, dont elle s’est sentie un peu surprise et émue, qu’elle n’avait sûrement pas entendu préparer par ses délibérations. Encore un pas, on se trouvait en plein conflit sans y songer, sans l’avoir voulu.

Il n’était que temps de s’arrêter pour ceux qui n’avaient pas l’intention d’aller plus loin, et c’est justement le mérite de la dernière discussion de la chambre, des explications de M. le ministre des affaires étrangères, d’avoir marqué ostensiblement, assez nettement le point