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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/155

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tient au mouvement libre de la pensée, la religion tient au mouvement libre de la conscience. Oui, nous voulons être chrétiens, mais selon les préceptes de Jésus-Christ, selon les préceptes de l’église et non selon les lubies d’un ecclésiastique imberbe, dresse comme ils le sont tous aujourd’hui dans les séminaires. »

Toutes ces citations, qui mettent en relief l’homme, sont aussi le plus complet témoignage de sa sincérité. Le comte Portalis fut nommé rapporteur de la commission chargée d’examiner la pétition Montlosier. Personne dans la chambre haute n’avait plus d’autorité en pareille matière. Le rapport écartait trois des propositions, soit parce que la législation était suffisante, soit par respect du principe de la séparation des pouvoirs. Mais il retenait tout ce qui concernait les établissemens de congrégation et d’ordre monastique. Après avoir affirmé que la société de Jésus existait de fait, Portalis s’exprimait ainsi : « Si cette société est reconnue utile, elle doit être autorisée ; ce qui ne doit pas être possible, c’est qu’un établissement même utile existe de fait, lorsqu’il ne peut avoir aucune existence de droit. Ce n’est pas la sévérité des lois que votre commission invoque, c’est le maintien de l’ordre légal. Les tribunaux se sont déclarés incompétens ; l’administration seule peut procurer en cette partie l’exécution des lois. »

La commission proposait de renvoyer au président du conseil des ministres la pétition, mais en ce qui touchait seulement l’établissement en France d’un ordre religieux non autorisé par le roi.

Le débat s’engagea dans la séance du 18 janvier 1827 ; il dura deux jours. Les conclusions du rapport furent vivement attaquées par le cardinal de La Fare, le duc de Fitz-James, Mgr de Frayssinous, le comte de Bonald et le vicomte Dambray. Elles furent non moins énergiquement appuyées par MM. de Choiseul, Lainé, de Barante et Pasquier.

L’opinion publique était très émue. On a lu les discours qui furent de part et d’autre prononcés. Celui de M. de Fitz-James, incisif, mordant, cherchant des analogies dans l’histoire d’Angleterre, revendiquant le droit commun, contenait un portrait de Montlosier avec cette anecdote souvent reproduite depuis : « Cet homme bizarre, nous l’avons tous connu en Angleterre. Un jour il convoqua ses amis pour leur faire lecture du dernier des plans de contre-révolution sortis de son cerveau ; et voulez-vous savoir quel était un des moyens qu’il voulait employer contre le jacobinisme ? Il ne se proposait pas moins que de réunir en armée tous les capucins de l’Europe et défaire entrer processionnellement en France cette armée, portant la croix pour étendard. »

Le spirituel conteur fit sourire la noble chambre sans rencontrer beaucoup de crédulité. On attendait la réponse de Montlosier.