polémique du temps; la liberté de la langue latine choquait alors moins qu’aujourd’hui, et chacun, dans la discussion, se piquait surtout de franchise. Charpentier n’a pas dépassé l’exemple donné par Ramus lui-même s’ adressant à Turnèbe. Il s’excuse d’ailleurs, dans le cas où il se montrerait trop vif, sur les injures de son adversaire; en les supportant plus longtemps, il craindrait de s’en attirer de nouvelles.
L’une des chaires de mathématiques devint vacante au Collège Royal, et le roi, cédant à quelque sollicitation, nomma pour la remplir un Sicilien jusqu’alors inconnu, sans lettres, dit-on, et sans études. Suffisant peut-être en mathématiques, Dampestre n’avait aucune connaissance de la langue grecque, et, dit Pasquier, était tellement disgracié qu’il ne parlait ni latin ni français. Les écoliers le jugèrent sur ses solécismes et le sifflèrent. Ramus, par le privilège de l’âge en possession de la préséance, s’ établissant de son autorité privée gardien des bonnes études et de la dignité des chaires, sollicita et obtint une ordonnance enjoignant à Dampestre de se montrer suffisant et capable dans un examen public subi devant ses collègues.
Dampestre avait été régulièrement nommé. La démarche de Ramus était étrange et plus d’un collègue prévit le danger de rappeler au roi et à ses conseillers qu’au droit incontesté de nomination s’ajoutait pour eux celui de destitution. Charpentier ne semble nullement outré lorsqu’il dit en parlant de Ramus : « Les honnêtes gens l’ont blâmé. » Lui-même ajoutait : « Lors même que Dampestre eût été illettré, nommé par le roi, il devait trouver chez les lettrés un autre accueil. »
L’examen, suivant Ramus, était aisé à faire. Entêté de l’idée, si commune alors, que la science parfaite est dans les textes, il voyait la géométrie dans Euclide, et il affecte même de nommer la chaire, chaire de grec et de mathématiques. « La seule marque assurée de suffisance et d’autorité devait être la lecture d’un théorème en langue grecque et son explication immédiate. »
Le Sicilien, malgré les airs de confiance qu’il se donnait d’abord, refusa d’affronter l’épreuve, « plus effrayante pour lui, dit Ramus, que les écueils célèbres du terrible détroit voisin de sa patrie. » Voulant cependant retirer son épingle de cette affaire, il offrit à Charpentier, en donnant sa démission, de s’employer, dans toute l’étendue de son influence, à le faire nommer à sa place. « Il lui vendit sa chaire, » dit Ramus, et Charpentier, sans en convenir et sans le nier, se borne à lui répondre : « Le plaisir de te déplaire suffit à Dampestre, ta colère l’a payé. »
Charpentier, jeune encore, se disait fatigué de l’enseignement, « Il avait fait de brillantes études en médecine et obtenu le