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la nuit, par deux points de la rive du fleuve. Tous venaient du Texas. La garnison de Bagdad était, en partie, sinon tout entière, complice du coup de main. La plupart des autres employés mexicains étaient dans le complot. L’administration de la douane, composée, par l’ordinaire aberration du pouvoir central, d’individus qui servaient autrefois Cortina, le capitaine du port, Godinez, en première ligne, ne demandaient pas autre chose que le retour du célèbre partisan. Les postes mexicains, surpris, avaient été massacrés ou faits prisonniers, le gros de la garnison enlevé dans sa caserne d’un seul coup de filet, le commandant de la place arrêté dans sa maison particulière. Pour les régimens, hommes de sac ou de corde ou anciens esclaves, prendre Bagdad était peu, l’important était de le piller. Ce qui fut fait. Le général Weitzel, sous prétexte de rétablir l’ordre, avait alors expédié un détachement de cent cinquante autres noirs, mais ce détachement n’avait pu résister à la contagion et s’était mis à piller lui-même. Peut-être le général Weitzel n’avait-il pas auprès de lui une seule troupe dont il fût sûr pour s’opposer à des désordres qui ne sont plus de notre époque. Le drapeau américain ne flottait pas d’ailleurs sur la rive mexicaine. Des dépôts ou magasins publics, on avait passé aux maisons particulières. Les officiers eux-mêmes avaient pris la direction du pillage, sans doute pour avoir leur part. Afin, disaient-ils, de mieux protéger les propriétés, les Américains avaient fait transporter tout ce que contenaient les maisons de Bagdad sur la rive texienne d’abord, puis à Brownsville et à Brazos. C’est ainsi que des négocians avaient trouvé à Clarksville et à Brazos des marchandises à leur marque qu’on ne leur avait pas rendues. On citait un colonel qui aurait fait échapper un négociant français, M. Legrand, à condition qu’il lui donnerait sa voiture et qui, pour plus de sécurité, s’était fait délivrer d’avance un reçu de 200 piastres. La lassitude, le dégoût des violences ayant amené une tranquillité relative, les Mexicains dissidens s’étaient présentés. Escobedo avait nommé pour la forme un Mexicain, Enrique Mejia, au commandement de la place. Un déserteur français, Sainclair, s’était intitulé capitaine du port et président du tribunal des prises, et il en avait été de même pour les autres emplois. Quant à la partie de la garnison impériale mexicaine, qui n’avait pas voulu entrer dans les rangs des libéraux, elle était au Texas, internée par l’autorité américaine qui, en cela, exécutait les lois de la neutralité. Dès que l’état de la mer le lui avait permis, le commandant Collet s’était rapproché de terre autant que possible pour être prêt à recueillir les réfugiés et à châtier les bandits s’ils se montraient, Lorsqu’il avait vu des marchandises livrées au pillage sur la côte, il avait cru devoir tirer, afin qu’on ne pût pas dire que de tels actes s’étaient