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traversée par un fort coup de vent. La rivière était si agitée que les canonnières avaient peine à marcher et qu’il fut impossible à la cavalerie de Figuerero de passer au paso Miadero. Il fallut qu’elle vînt camper vis-à-vis d’Alvarado, mais de l’autre côté de la lagune, sous la protection des canonnières. Ce fut de là qu’après le coup de vent elle passa à Alvarado sans accident, à l’aide de toutes les pirogues mises en réquisition. Les canonnières revinrent à Vera-Cruz. La Tempête resta à Alvarado.

Cette évacuation permettait de secourir Tuspan avec la garnison de Tlacotalpam, devenue libre, mais on trouva préférable de laisser à Alvarado la troupe de Camacho, qui avait beaucoup de malades, et d’envoyer celle de Figuerero prendre son ancien poste sur notre ligne de communication, près de Medellin. Le général Callejo, préfet de Tuspan, demandait toutefois des secours immédiats. C’était avouer qu’on renonçait à s’occuper de Tuspan. De fait, on était débordé de tous côtés. Le 21 août, ce même Medellin avait été attaqué par la bande de Prieto forte de deux cents hommes. Deux maisons avaient été brûlées et les rails enlevés en trois endroits pour couper la communication avec Vera-Cruz. La faible garnison de trente-sept hommes avait eu des tués et des blessés.

Comme toujours, — cette fois en attendant la troupe de Figuerero, — vingt cavaliers égyptiens avaient été détachés de Vera-Cruz pour Medellin. La situation de Vera-Cruz était plus inquiétante ou, pour mieux dire, plus humiliante que jamais. Prieto, avec ses guérillas, venait souvent camper à petite portée de canon des murailles. Il avait écrit à un habitant riche de lui envoyer un cheval tout sellé, et l’habitant s’était exécuté parce qu’il avait aux environs des propriétés nullement protégées. On enlevait à notre fournisseur deux cents bœufs sur l’Alameda, et pour les ravoir, il payait 10 piastres par chaque bête à cornes. L’ingénieur du chemin de fer de Vera-Cruz à Jalapa était enlevé, relâché moyennant 500 piastres de rançon et chargé de recommander au directeur de la compagnie qu’il n’oubliât pas de payer à l’avance sa contribution mensuelle de 100 piastres s’il ne voulait pas qu’on brûlât son chemin. Il eût fallu des troupes à tout prix pour faire cesser cet état de choses; mais il n’en venait point, et le maréchal, importuné des demandes qu’on lui adressait, répondait que tout cela finirait quand, avec le retour de la belle saison, les troupes qui rentraient en France traverseraient Vera-Cruz. Il ajoutait que, jusque-là, il ne se souciait pas d’exposer ses soldats à l’influence d’un climat meurtrier. — C’était de la franchise.

La situation de Tuspan était pourtant de plus en plus compromise. Les forces ennemies n’étaient plus qu’à 20 lieues de la place,