Bachot qu’on fit ministre, et quantité d’autres, leurs pareils, ayant l’usage de l’écriture, quelques vagues notions d’orthographe, et de l’aptitude pour la parole[1], sous-maîtres, sous-officiers, anciens moines mendians, colporteurs, aubergistes, détaillans, forts de la halle[2], ouvriers des villes, depuis Gonchon, l’orateur du faubourg Saint-Antoine jusqu’à Simon, le savetier du Temple et Trinchard, le juré du tribunal révolutionnaire, jusqu’aux épiciers, tailleurs, cordonniers, marchands de vin, garçons coiffeurs et autres boutiquiers ou artisans en chambre qui, de leurs propres mains, travailleront aux massacres de septembre. Ajoutez-y la queue fangeuse de toute insurrection ou dictature populaire, les bêtes de proie comme Jourdain d’Avignon et Fournier l’Américain, les femmes qui, comme Théroigne, Rose Lacombe et les tricoteuses de la convention, se sont dépouillées de leur sexe, les bandits amnistiés, et tout ce gibier de police à qui le manque de police laisse les coudées franches, les traîneurs de rue, tant de vagabonds rebelles à la subordination et au travail, qui, au milieu de la civilisation, gardent les instincts de la vie sauvage, et allèguent la souveraineté du peuple pour assouvir leurs appétits natifs de licence, de paresse et de férocité. — Ainsi se recrute le parti, par un racolage qui glane des sujets dans tous les états, mais qui les moissonne à poignées dans les deux groupes où le dogmatisme et la présomption sont choses naturelles. Là l’éducation a conduit l’homme jusqu’au seuil ou jusqu’au centre des idées générales; partant, il se sent à l’étroit dans le cercle fermé de sa profession ou de son métier, et il aspire au-delà. Mais l’éducation est restée superficielle ou rudimentaire ; partant, hors de son cercle étroit, il n’est pas à sa place. Il aperçoit ou il entrevoit les idées politiques; c’est pourquoi il se croit capable. Mais il ne les aperçoit que dans une formule, ou il ne les entrevoit qu’à travers un nuage; c’est pourquoi il est incapable, et les lacunes, comme les acquisitions de son intelligence, contribuent à faire de lui un jacobin.
H. TAINE.
- ↑ Dauban, la Démagogie à Paris en 1793, et Paris en 1794. Lire dans ces deux ouvrages les ordres du jour du général Henriot. — Campardon, Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris, lettre de Trinchard, I, 306 : « Si tu nest pas toute seulle et que le compagnion soit à travalier tu peus ma chaire amie venir voir juger 24 messieurs tous si devent président ou conselier au parlement de Paris et de Toulouse. Je t’ainvite à prendre quelque choge aven de venir parcheque nous n’aurons pas fini de 3 hurres. Je t’embrase ma chaire amie et epouge. » — F. —Ib., II, 350, interrogatoire d’André Chénier. — Wallon, Hist. du trib. rév., II, 316. Lettre de Simon. « Je te coitte le bonjour mois est mon est pousse. »
- ↑ Ils se faisaient appeler: « Les forts pour la patrie. »