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agit fortement en ce sens sur les esprits. On appliqua à cette révolution ce qu’on crut lire dans un verset de la Genèse, que le sceptre ne devait pas sortir de Juda jusqu’à la venue de l’Oint : le sceptre était sorti de Jala ; les temps de l’Oint étaient donc venus. A la mort d’Hérode, il s’éleva de tous côtés en Judée des chefs de bandes qui prirent le titre de roi et probablement aussi le nom d’Oint ou de Christ, quoique Josèphe ne nous le dise pas expressément, parce qu’il évite de propos délibéré un mot qui rappellerait des illusions odieuses à l’autorité romaine. Mais, parmi eux, il faut mettre à part, Judas de Galilée, soit qu’il ait pris le premier ce titre de Christ, soit qu’il y ait attaché un sens nouveau, en faisant prévaloir sur l’idée d’un roi libérateur et glorieux celle d’un missionnaire de Iéhova, prophète et révélateur. En effet, d’un côté, il nous est représenté par Josèphe comme ayant introduit dans Israël une nouvelle doctrine religieuse, dont le trait principal était de ne reconnaître d’autre prince et d’autre maître que le Seigneur ; de l’autre, il a une mention dans le livre des Actes, où on voit que le rabbin Gamaliel rappelle son souvenir comme celui d’un homme qui déjà avait voulu être ce que les disciples de Jésus dirent depuis que celui-ci avait été. L’auteur des Actes évite aussi le mot de Christ; il dit : « qui prétendait être un personnage : λέγων εἶναί τινα ἑαυτόν[1]. »

Plus tard, un homme qui n’avait pas de bandes derrière lui, qui ne combattait point et ne paraît pas avoir prétendu au titre de Christ, n’en a pas moins remué profondément la Judée ; c’est Jean le Baptistès, ainsi nommé en grec de l’immersion dans le Jourdain (βάπτισμα) qu’il imposait à ses disciples[2]. Il paraît être le premier qui ait annoncé l’avènement prochain du royaume de Dieu, non plus comme un événement du monde présent, mais comme la fin de ce monde et l’ouverture d’une nouvelle existence, et il invitait les enfans d’Israël à se préparer à cette régénération par un changement de vie, μετάνοια, et à pratiquer « la piété envers Dieu et la justice envers les hommes » pour mériter la « rémission de leurs péchés, » qui faisaient encore obstacle au bien fait divin. L’eau où il faisait plonger ceux qui venaient à lui (en même temps qu’il leur en versait sans doute aussi sur la tête) était le signe de cette purification des âmes. De tous côtés, des multitudes accouraient vers lui pour recevoir ce baptême. Il était particulièrement populaire par l’âpreté de son zèle, qui s’attaquait hardiment aux puissans. Sa prédication était redoutable pour ces fils d’Hérode, non moins profanes

  1. Josèphe, Antiq., XVIII, I, 6, etc. Actes, V, 36.
  2. Nous ne le connaissons que par des livres écrits en grec. Le mot βαπτίζειν signifie simplement laver en plongeant dans l’eau. C’est ainsi qu’on baptisait, c’est-à-dire qu’on purifiait en les lavant la vaisselle et même les lits de table. (Marc, VII, 4.)