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LES VIGNES AMÉRICAINES

L’étude publiée dans la Revue du 1er mars dernier par M. Prosper de Lafitte semble de nature à détruire l’espoir à peine renaissant de la viticulture.

Devant une question aussi vitale, chacun doit apporter au pays son contingent d’expériences, d’observations, de conclusions pratiques.

Newton, à qui on demandait comment il était parvenu à ses immortelles découvertes, répondit : « En y pensant toujours. » — C’est justement parce que depuis plusieurs années je pense toujours à la reconstitution de la vigne, que j’ose parler.

Je dirai donc ce que je sais et ce que j’en conclus, ce que j’espère et ce qui m’inquiète, faisant seulement remarquer que ce qui va suivre s’applique plus spécialement à la France méridionale, à la région de l’olivier, pays où l’infructuosité des autres cultures aiguise le désir de revoir des vignes et où le courage naît pour ainsi dire du fond de l’abîme. En effet, la ruine que M. Prosper de Lafitte semble prédire aux plantations prématurément hardies ne saurait être plus grande, ni plus complète que celle qui atteint déjà cette vaste région; dans le premier cas, ce serait la catastrophe; dans le second, la mort lente et fatale. On peut survivre à la première, donc il vaut mieux la risquer que d’attendre patiemment la seconde dans l’inaction. Si le Midi veut attendre la certitude absolue, il périra, car pour attendre, non-seulement il faut du pain, mais il faut encore que ce pain ne coûte pas plus cher que le travail de l’homme qu’il doit nourrir.

Ceux qui ont étudié et pratiqué savent déjà positivement deux choses ; la première, c’est qu’ici, sans vignes, il n’y a pas de pain : c’est la misère,