deux oreilles, que l’Angleterre s’entendît mieux qu’eux à tenir en respect des voisins incommodes, égorgeurs et pillards? Le résident de Lydenberg répondit un jour au premier ministre d’un roi cafre qui lui vantait la puissance de son maître: « Les Anglais ne sont pas des Boers, ils ont des soldats qui ne vivent que pour se battre, et le drapeau qui flotte sur leurs forts vaut des millions d’hommes, car ils peuvent envoyer régiment après régiment pour le défendre. » Le ministre cafre ne se laissa pas intimider par cette vantardise britannique ; il répliqua en souriant: « Si mon maître lisait vos gazettes, les contes qu’elles débitent lui en imposeraient peut-être; mais soyez sûr qu’il a plus peur de cent chiens enragés que d’un million de soldats en papier. » Ce Nestor au teint de suie avait raison, et ce n’est pas aux fermiers du Transvaal, c’est aux Anglais que les Zulus ont déclaré la guerre.
On avait dit aussi à ces paysans qui sont de très grands propriétaires et qui ont besoin d’avoir beaucoup de bras à leur service que la chrétienne Angleterre les annexait par philanthropie, qu’elle entendait défendre contre eux leurs serviteurs qu’ils maltraitaient, les indigènes qu’ils réduisaient en servitude. Mais ils savaient que, malgré leur rudesse naturelle, malgré la pesanteur de leurs mains, ils avaient plus d’égards pour leurs domestiques que tel missionnaire anglais, et en vérité sir Theophilus n’a pas trouvé dans le Transvaal un seul esclave à affranchir. On leur avait dit encore qu’on venait les sauver du désordre, de la confusion, de l’anarchie, et ils avaient peine à se persuader qu’ils fussent tombés dans l’anarchie. On leur avait affirmé que, laissés à eux-mêmes, ils ne pourraient parer à leur détresse financière, mais ils n’ignoraient pas que leurs frères de l’état d’Orange s’étaient trouvés comme eux dans de très grands embarras et qu’en peu de temps, grâce au président capable qu’ils s’étaient donné, ils avaient réussi à rétablir leurs finances. Non-seulement les prétextes qu’on leur alléguait étaient faux, les promesses qu’on leur avait faites n’avaient point été tenues. On s’était engagé à consulter leurs goûts, à respecter leurs lois, et on les gouvernait par des commissaires et par des ukases, on les excluait de toute participation à leurs propres affaires, on supprimait leur législature, on transformait leurs tribunaux, et sir Theophilus recrutait sa police parmi les Zulus de l’état de Natal. Ces commissaires, cette police noire, ces dénis de justice eurent raison de leur flegme et firent bouillonner leur sang. Ils s’émurent, ils protestèrent, ils envoyèrent des délégués en Europe pour plaider leur cause, pour réclamer leurs droits et leurs libertés auprès de la reine et de ses ministres; mais quand ces délégués furent de retour et voulurent rendre compte de leur mission à leurs mandataires convoqués en meeting à Pretoria, sir Theophilus fit prendre les armes à ses soldats et braqua ses canons sur l’assemblée.
Pendant que les Boers réfléchissaient et s’agitaient, le petit parti qui