Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Si l’ordre judiciaire n’était pas indépendant, et pour cela composé de membres inamovibles[1] ;
Si le pouvoir de juger était réservé, dans de certains cas, aux administrations ou à tout autre corps qu’aux tribunaux ;
Si les ministres n’étaient pas solidairement responsables de l’exercice du pouvoir dont ils sont dépositaires[2] ;
- ↑ « On a parlé de retenir sur les traitemens des juges et membres en général de la judicature, pour faciliter des retraites et donner plus de liberté pour mieux remplacer. L’abbé (de Montesquieu) s’est réveillé pour trouver cela mesquin et peu convenable. Louis, pour qui tout est chiffre, l’approuvait. Cela a été repoussé cependant, et en effet il y avait parcimonie et inconvenance. »
(Jaucourt à Talleyrand, septembre 1814.)
« M. le chancelier, qui fait de si jolies phrases à la tête de son ordonnance sur la cour de cassation, et qui traite la justice comme le zéphyr et la déesse aux doigts de rose… »
(Jaucourt à Talleyrand, 18 février 1815.)
« En accordant en principe l’inamovibilité des magistrats, le roi s’était réservé de donner ou de refuser l’investiture à ceux qui étaient actuellement en fonctions, et de réviser de la sorte le personnel entier de la magistrature. En conséquence, les magistrats de tous les degrés attendaient avec anxiété qu’on prononçât sur leur sort, et ils demeuraient dans un état de dépendance qui pouvait être funeste pour les justiciables, et en particulier pour ceux qui possédaient des biens nationaux.
« Les chambres, avant de se séparer, avaient demandé qu’il fût mis fin à cet état d’incertitude, et, en janvier 1815, le gouvernement avait commencé par la cour suprême l’épuration tant redoutée. »
(Thiers, Histoire du consulat et de l’empire, t. XIX, p. 9.) - ↑ « La dernière séance de dimanche matin a été assez curieuse. Le duc de Dalmatie est d’une vivacité sur la prérogative royale qui rappelle l’existence éphémère, mais les longues méditations de Nicolas Ier. M. Ferrand, qui, en sa qualité d’ancien parlementaire, a ses réserves, qui, en sa qualité de janséniste, en a bien d’autres, et en sa qualité de dévot en a encore bien davantage, nous a tiré une opinion qui ne commençait pas mal, justifiant par l’intention et la même volonté quelques démarches peu réfléchies des ministres, et particulièrement avouant un peu de faiblesse de Dupont, mais faisant un éloge de lui qui a fort déconcerté M. le maréchal. De là il s’est jeté dans les jésuites et nous a donné de sa plus verte jeunesse, et puis il a entrepris la question de la vente des biens du clergé à outrance. Nous avons fini par rire du meilleur accord du monde ; et lui-même, le pauvre homme, qui n’écrivait que pour l’acquit de sa conscience, n’a rien ajouté à sa belle opinion. Le chancelier a lu ensuite de sa prose. Tout cela n’est pas bon ; cela même, à vrai dire, ressemble aux consultations de médecins et surtout en ce point que l’on ménage beaucoup l’avis de celui de la maison ; mais enfin on mûrit des idées, on marche vers ce besoin mal reconnu encore de donner un système, une action commune au gouvernement, d’avoir une pensée qui dirige ensuite l’administration dans chaque ministère vers un même but. Si nous nous hâtons, si nous finissons par entendre la situation d’un ministère dans un gouvernement représentatif, nous pourrons gagner assez de temps pour vous donner celui d’arriver. Mais, en vérité, nous sommes assez mal, et il faut aller mieux pour ne pas aller tout à fait en perte. Votre congrès nous donnera de la force. Le roi et vous, nous soutenez ; mais je serais fort d’avis que le roi, à votre retour, vous laissât nommer un ministère et fit maison nette de celui qu’il a à présent. Nous l’aimons, nous le servons de cœur ; mais l’opinion ne lui reste qu’à condition de nous couvrir de blâme et de pitié. Je ne sais si l’on vous parle dans ce sens-là ; mais vienne le retour des chambres, et je vous rappellerai la lettre du 25 janvier.
« Tout ce que vous me dites, mon cher prince, sur la nécessité d’un cabinet des ministres, est bien vrai, bien juste, bien urgent, mais bien impossible. Je ne sais pas ce que votre retour heureux ou honorable, votre supériorité et votre volonté ferme d’établir la marche du ministère à l’instar de celle d’Angleterre, pourront produire ; mais, en ce moment, ce qu’il faut vouloir, c’est, au lieu de cette union plâtrée qui donne une apparence de bonne intelligence, une franche opposition qui laisse à la critique le mérite de forcer chacun à s’observer et à mieux faire. La responsabilité des ministres se fera par un mouvement tumultueux des chambres, des pétitions, des dénonciations, et nullement par une bonne loi, que l’on n’aura pas le courage de proposer dans le ministère, ni la sagesse de faire dans les chambres. »
(Jaucourt à Talleyrand, 21 février 1815.)
« Voici, au reste, un travail du chancelier ; c’est un règlement pour les séances du comité : composition du conseil. On s’assemble une fois et plus, en cas de besoin ; on porte au comité les affaires intéressant les ministères ou la chose en général. Aucun projet devant passer au conseil d’en haut n’y est porté sans au préalable être discuté au comité. Les ministres se communiquent franchement leurs observations, etc. Les délibérations lient les ministres et sont secrètes, etc.. etc. »
(Jaucourt à Talleyrand, 1er février 1815.)
« Le chancelier croit avoir tout fait avec son règlement ; il est comme maître Jacques et réussit aussi bien à mettre tout le monde d’accord. »
(Id., 4 février 1815.)