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PINDARE.

brille comme la flamme dans la nuit ;… le soleil est l’astre souverain qui resplendit dans la solitude de l’éther. » Certains indices, qui se trouvent un peu plus loin, avaient pu faire comprendre que l’ode était chantée dans le palais d’Hiéron pendant un banquet ; mais ce que personne assurément n’avait compris avant Dissen, c’est le double sens des comparaisons avec l’eau et l’or, et l’ingénieuse allusion qu’elles renferment aux belles coupes d’or du banquet et à l’eau qu’on y verse pour les convives. Cette découverte du savant collaborateur de Bœckh a beaucoup égayé G. Hermann. Reste à savoir s’il est lui-même beaucoup plus heureux dans certaines de ses interprétations historiques.

Quand, par exemple, rencontrant dans une pièce en l’honneur d’un jeune vainqueur thébain, d’ailleurs absolument inconnu, la légende de la mort d’Agamemnon et de la punition de ses deux meurtriers, et le conseil de préférer une condition modeste à une orgueilleuse tyrannie, il part de là pour nous apprendre qu’un parent de ce jeune homme a péri dans un guet-apens, parce qu’on le soupçonnait d’entretenir un commerce adultère avec une femme noble et de s’en faire un moyen d’arriver à la domination, on se demande quel don merveilleux de divination lui a révélé cette romanesque histoire. Il est juste d’ajouter que l’ode en question, la xie Pythique, est une des moins aisées à comprendre, et qu’ici l’effort a été mesuré à la difficulté.

Une chose bien remarquable dans les erreurs des érudits éminens qui ont tenté d’interpréter Pindare, c’est qu’elles n’ont pas empêché les systèmes. Il y en a eu au moins deux, très chers à leurs auteurs, Bœckh et Dissen. Le premier pense qu’une ode en général est construite tout entière, mythes et moralités, d’après la vie du vainqueur, sur laquelle le poète tient constamment ses yeux fixés et qu’il suit exactement par de perpétuelles allusions. Le second cherche la pensée fondamentale dans une idée abstraite qui lui paraît dominer tout, la considération du courage ou de la haute fortune, causes principales de la victoire selon sa nature. À cette pensée générale, d’un caractère moral et abstrait, se rattachent des sources secondaires de développement, comme l’éloge de certaines vertus ou celui des dieux ; mais elle est partout, dans chaque idée, presque dans chaque mot. Ces deux systèmes, est-il besoin de le dire ? sont aisés à critiquer. Ils ont le tort commun de réduire tout Pindare au symbolisme le plus invraisemblable et le plus anti-poétique. Sans doute les allusions abondent : historiques, politiques, morales, se rapportant aux circonstances de la victoire ou de la fête, il y en a de toute sorte ; mais il n’y en a pas partout, et il ne faut pas que la difficulté de les reconnaître en fasse découvrir là où elles n’existent pas. Sans doute aussi, dans telle ode, Pindare