Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et New-York, avaient enjoint à leurs délégations de voter en bloc, c’est-à-dire que le chef de la délégation devait voter au nom de tous ses membres et pour le candidat de la majorité, quelles que fussent les préférences individuelles de certains délégués. Tous les suffrages de la Pensylvanie et de New-York devaient donc être donnés au général Grant, bien que M. Blaine comptât dans ces deux délégations un certain nombre de partisans; mais ceux-ci trouvèrent moyen de se soustraire à la règle qui leur était imposée.

Le premier acte de la convention avait été de s’organiser en faisant choix d’un président, et en nommant les deux commissions les plus importantes : celle du règlement et celle de la vérification des pouvoirs. Ces deux commissions ne sont pas élues par l’assemblée entière : elles doivent être composées d’un membre pour chaque état, désigné par la délégation de cet état. Or les cinq compétiteurs du général se trouvaient avoir ensemble la majorité des états. Les deux commissions furent donc composées en majorité d’adversaires de sa candidature. Les conséquences en furent bientôt apparentes. Les assemblées préparatoires de quelques états du Sud n’avaient pu se mettre d’accord sur les désignations à faire, et des délégations rivales revendiquaient le droit de siéger et de voter. La commission de vérification des pouvoirs exclut systématiquement les délégations favorables au général et enleva ainsi à celui-ci un certain nombre de voix. De son côté, la commission du règlement décida qu’aucune délégation ne serait admise à voter en bloc; il serait procédé par appel nominal et chaque délégué voterait individuellement. Quand cette décision, dont le but ne pouvait échapper à personne, eut été rendue, le sénateur Cameron, président de la délégation pensylvanienne, réunit ses collègues ; il leur représenta que le mandat impératif qu’ils avaient reçu de leurs commettans continuait à les lier et qu’ils étaient tenus d’honneur de voter tous pour le même candidat, comme si lui-même pouvait voter au nom de tous. A sa grande surprise, il fut contredit par un des membres les plus influens de la délégation, M. Manès, qui revendiqua la liberté du vote individuel, et entraîna vingt de ses collègues, dont la plupart votèrent pour M. Blaine.

Cet exemple fut suivi par vingt-cinq des délégués de New-York, quelques membres d’autres délégations firent également défection. Au premier tour de scrutin, le général Grant eut 305 voix, M. Blaine 279, M. Sherman 95 ; les trois autres candidats se partagèrent le reste des suffrages. Il manqua donc au général 66 voix pour avoir la majorité absolue : les acquerrait-il dans les scrutins suivans? Il lui aurait fallu rallier les voix données aux trois derniers candidats; mais les partisans de ceux-ci tinrent bon dans l’espoir que