où restaient tête à tête deux pouvoirs ennemis, disposés à s’entre-détruire.
Voilà donc le résultat de ces trois années, de ces agitations ou se louait en définitive le sort du pays ! On avait commencé par une alliance entre les forces du parlement et la présidence napoléonienne, on touchait à un conflit, — au plus décisif, au plus irréparable des conflits. Nul, certes, ne s’était trouvé mêlé de plus près et plus activement que M. Thiers à toutes les phases de ce drame émouvant des destinées françaises. Il avait été un des plus intrépides au combat pour la défense sociale; il avait eu la passion de l’ordre contre la révolution, et pour cette cause, il s’était engagé plus d’une fois en faveur du président. Il représentait maintenant la révolte de l’instinct parlementaire contre la menace d’une résurrection impériale. Il avait essayé de décider l’assemblée à la résistance ; il avait refusé de se prêter, ne fût-ce que par son vote, à la révision, — et à la vérité, on peut dire qu’à ce moment, par une évolution intime, il inclinait à chercher dans la république elle-même une force contre un nouveau danger.
Assurément, si les républicains avaient eu plus de clairvoyance ou d’esprit politique, ils auraient compris le sens et la portée de quelques paroles que M. Thiers avait accentuées avec intention dans son discours sur la révocation du général Changarnier. M. Thiers n’avait certes désavoué ni ses préférences pour la monarchie parlementaire ni la douleur qu’il avait éprouvée au 24 février; mais en même temps, il avait bien laissé voir avec toute sa dextérité qu’il n’était pas insensible à la puissance des événemens qui avaient fait de la république le régime, la loi présente de la France, — et il avait ajouté ; « A côté de la douleur que je ressentais, j’ai éprouvé cependant un sentiment qui a été, à quelque degré, un sentiment de satisfaction. Je me suis dit : Après tout, la république, c’est le gouvernement de tout le monde, de tous les partis, il y a quelques jours M Berryer était à côté de moi, M. Berryer, dont j’ai connu la vie et le caractère, lui qui, malgré des luttes vives, s’est toujours conduit à mon égard en loyal adversaire. Il était à côté de moi, et sous le gouvernement qui me convenait il se croyait humilié; si celui qu’il désire revenait, peut-être éprouverais-je le même sentiment. Ceux qui rêvent l’empire se croiraient humiliés sous le gouvernement du comte de Chambord ou du comte de Paris ; les républicains aussi, bien entendu, puisque cet état ne serait pas conforme à leurs convictions. Eh bien ! sous la république, qui est le gouvernement de tous les partis, personne n’est humilié. Faisons