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de ces témoignages, il n’a pas été permis de penser qu’une organisation qui a produit les deux plus grands siècles littéraires de la France ne devait pas être si défectueuse.

Que n’a-t-on pas écrit sur le régime intérieur, la discipline, les coutumes surannées et bizarres, les querelles intestines, l’esprit étroit et rétrograde des anciens collèges et des universités, sur l’état de délabrement d’un grand nombre de ces établissemens et la condition misérable de leurs professeurs ! Sans doute il y a dans ces critiques une part de vérité. La France du XVIIIe siècle était fort arriérée sous le rapport de la pédagogie ; l’esprit et les formes gothiques pesaient toujours sur elle et s’opposaient à toute grande réforme. On était encore, en fait de législation scolaire, et l’université demeura jusqu’au règlement de 1769 sous l’empire des statuts d’Henri IV. Quant à ce chiffre de 562 collèges, il est clair qu’il ne faudrait pas en tirer une conclusion trop absolue. S’il en était de florissans, il n’en manquait pas non plus qui végétaient. À Paris même, avant l’expulsion des jésuites, plusieurs de ces prétendus collèges n’étaient que d’infimes pensionnats sans clientèle et sans fortes études, où de rares professeurs enseignaient un peu de latin à de non moins rares écoliers. Ce qu’on appelait l’exercice, c’est-à-dire l’enseignement de la grammaire, des belles-lettres et de la philosophie, en avait disparu depuis longtemps. Les revenus suffisaient à peine à l’entretien des boursiers, les bâtimens tombaient en ruines. Enfin, au fur et à mesure qu’on s’était avancé dans le XVIIIe siècle, il était devenu plus évident que ces vieilles fondations ne pouvaient plus subsister. Tels étaient les collèges de Bayeux, fondés par Guillaume Bouet, évêque de Bayeux, pour 21 boursiers ; celui de Séez, fondé par Grégoire Langlois, évêque de Séez, pour 12 boursiers ; celui du Mans, fondé par le cardinal Philippe de Luxembourg en faveur de 12 écoliers pauvres de son diocèse, et bien d’autres. Cependant il s’en faut que l’état de ces établissemens et, d’une façon plus générale, la condition des régens et professeurs des collèges et des universités fût aussi précaire qu’on l’a prétendu. Nous avons sous les yeux une pétition à l’assemblée nationale des régens du collège d’Ajaccio, un des plus petits qu’il y eût en France[1]. D’après ce document, les émolumens fixes du recteur ou principal étaient de 1,000 livres ; ceux du professeur de rhétorique, de 900 livres ; ceux des deux professeurs d’humanité, de 750 livres, et ceux des professeurs de grammaire, de 650 livres. Et là ne se bornait pas en réalité le gage des régens ; ils en trouvaient le complément soit dans la rétribution payée par

  1. Arch.