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habitans du Canada, qui, moyennant rétribution, avaient franchi la frontière et étaient venus voter dans l’état de New-York. C’est, en effet, une fraude qui se pratique fréquemment dans les états situés le long de la frontière canadienne ; mais elle est à l’usage de tous les partis. Il est très probable que les républicains y avaient eu recours ; mais il est également probable que leurs adversaires n’étaient pas demeurés en reste avec eux. Les hommes les plus considérables du parti démocratique se gardèrent d’encourager des projets de protestation qui ne pouvaient aboutir qu’à troubler et à irriter le pays. À la différence de M. Hayes, qui avait eu 600,000 voix de moins que M. Tilden, M. Garfield avait obtenu, sur l’ensemble du corps électoral, 80,000 voix de plus que le général Hancock. Les démocrates influens s’empressèrent à l’envi de déclarer qu’ils acceptaient comme valable le verdict de la nation et qu’ils s’y soumettaient.

Le calme succéda donc immédiatement à l’agitation fiévreuse à laquelle les États-Unis avaient été en proie pendant près de quatre mois, et, au souvenir de la crise de 1876, tous les hommes que l’esprit de parti ne dominait pas s’applaudirent hautement que le résultat de l’élection eût été assez décisif pour s’imposer à l’acceptation de tous. Ils se félicitèrent en même temps de voir mettre un terme aux tiraillemens et aux luttes stériles qui avaient paralysé l’action du congrès pendant les années précédentes. Les élections pour le congrès ont donné aux républicains une majorité de 15 à 20 voix dans la chambre des représentans, et les forces se balancent dans le sénat. En entrant en fonctions, le 4 mars 1881, le nouveau président pourra compter sur l’appui d’une des deux chambres, en attendant que des changemens inévitables donnent également la majorité à ses amis dans le sénat. M. Hayes, pendant tout le cours de sa présidence, ne s’est jamais trouvé dans des conditions aussi favorables et qui lui permissent d’imprimer à la politique une direction conforme à ses vues.

L’élection de 1880 semble entraîner pour le parti démocratique la nécessité d’une transformation. Ce sont les doctrines économiques et financières de ce parti qui ont été vaincues bien plus que le candidat irréprochable qu’il avait choisi. Il sera donc contraint, pour ne pas encourir une ruine complète, d’abandonner des opinions solennellement condamnées par le peuple américain. Il en résultera peut-être un déchirement intérieur, des divisions et une impuissance momentanée, mais il compte dans son sein d’habiles gens qui sauront trouver un nouveau terrain pour les luttes de l’avenir.

Le parti républicain a naturellement interprété le résultat de