Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la promenade moderne à laquelle on a donné le nom de Lices, en souvenir peut-être des anciens jeux de l’hippodrome disparu.

Auprès du forum, on voit encore les ruines d’une naumachie, de thermes, d’une basilique argentaire, de plusieurs temples. Dans la campagne, deux aqueducs, dont on peut suivre les traces sur près de 70 kilomètres, allaient chercher de l’eau vive et pure, le premier dans la plaine des Baux, le second au nord de la chaîne des Alpines, dans les graviers de la Durance. Sur la rive droite du Rhône s’étendait la ville plébéienne et maritime. C’était de ce côté que se trouvaient les anciens chantiers de construction de navires, assez importans pour que César ait pu y faire construire en quelques jours onze vaisseaux pour sa flotte. Un pont, dont on voit encore les amorces des culées dans les maçonneries des digues défensives de la ville, reliait la cité patricienne située sur la rive gauche avec le grand faubourg de Trinquetaille. Des tuyaux de canalisation en plomb que l’on a retirés du Rhône, portent encore en relief les noms des fondeurs romains, aussi intacts que si le métal sortait de l’atelier ; dans la campagne, aujourd’hui bien appauvrie, des fouilles à fleur de sol ont mis dernièrement à jour des pierres tumulaires, des substructions. des soubassemens de maisons régulièrement alignées, de véritables rues, et un nombre tellement considérable de débris de poteries usuelles, que les remblais du chemin de fer qui traverse la pointe nord de la Camargue en sont presque entièrement formés sur près de 2 kilomètres de longueur.

Le palais dans lequel l’impératrice Fausta vint faire ses couches solennelles était dans la ville patricienne, sur le bord même du fleuve. On l’appelait la Trouille, Trollia ou Trullum, comme celui des empereurs à Constantinople. Les ruines qui nous en restent sont encore très apparentes et dénotent une architecture plus byzantine que romaine ; on n’y voit pas, comme à l’amphithéâtre, au forum, au théâtre, des pleins-cintres aux bandeaux rigides, des plates-bandes et des assises vigoureuses en pierres de taille ; les voûtes sont en briques, très surbaissées ; les murs sont construits en petits matériaux agglutinés par un ciment d’une extrême dureté ; ils portent partout des traces de revêtemens, et tout semble indiquer que cette princière demeure était décorée entièrement de marbres et de peintures et présentait, à défaut de belles lignes architecturales, un très grand luxe d’ornementation. On n’était plus au siècle d’Auguste. La corruption du goût et la décadence de l’art se faisaient sentir dans tout l’empire ; et les Constantins, Grecs dégénérés, Grœculi, plutôt que Latins, laissaient dans toutes leurs œuvres l’empreinte de leurs mœurs efféminées et de leur mollesse orientale. A droite et à gauche du palais de l’empereur s’élevaient des