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toire à l’accomplissement de ses devoirs et il faisait l’édification de la paroisse.

Ici un second soupir comme pour dire : — Je crains bien qu’il ne soit pas remplacé sous ce rapport. — Francis, pour changer la conversation, parla des richesses forestières de la localité.

— Notre pays, répliqua brièvement le prêtre, n’offre pas beaucoup de distractions aux étrangers.

— Pourtant, hasarda le garde-général, il y a quelques ressources de société.

— Ici, chacun est tout entier à ses occupations, et on se voit peu… Autrefois les fonctionnaires trouvaient un accueil hospitalier à la Mancienne, chez le maître de forges, mais depuis la mort de M. Lebreton, sa veuve ne reçoit plus,… comme de juste.

— Son deuil est récent ?

M. Lebreton est mort depuis neuf mois à peine… C’est une grande perte pour la paroisse… Il faisait beaucoup de bien.

La conversation languissait. Francis se leva et, voulant essayer de gagner le cœur du prêtre avant de prendre congé, il s’extasia sur la bibliothèque et demanda la permission d’y puiser quelquefois.

— Oh ! dit le curé avec une modestie voulue, je n’ai là que des livres utiles à l’exercice de mon ministère… Aucun ouvrage profane… Néanmoins, ajouta-t-il, tandis que ses lèvres minces ébauchaient un sourire poliment ironique, si vous êtes amateur de lecture, je possède la collection des pères grecs et latins, et je la mets à votre disposition.

Là-dessus il reconduisit son visiteur jusqu’à la rangée des caisses de lauriers et le congédia avec un salut cérémonieux.

Francis Pommeret, un peu déconfit, se rabattit chez la receveuse des postes, dont la maison, blanchie à la chaux et proprette, formait l’angle de la place de l’église. Après être entré dans le couloir obscur réservé au public, n’ayant pu parvenir à découvrir une sonnette, il prit le parti de chercher à tâtons la poignée d’une porte, derrière laquelle il entendait un bruit d’ustensiles de ménage. Cette porte céda brusquement et s’ouvrit toute grande.

— C’est toi ? s’écria une voix de femme ; ferme vite, ma chère, à cause des chats.

Puis tout à coup, s’apercevant de sa méprise, la même voix poussa un cri étouffé et se confondit en excuses pendant que Francis se nommait.

La pièce où il se trouvait, mal éclairée par une fenêtre étroite, était déjà à demi pleine d’ombre. En jetant un coup d’œil rapide sur les murs et l’ameublement, le garde-général vit qu’elle servait à la fois de cuisine et de salle à manger. La table de toile cirée,