sées jadis à la Pépinière de Nancy en compagnie de ses camarades de promotion, tandis que la musique militaire jouait des valses de Métra sous les grands arbres et que de belles dames aux jupes frissonnantes passaient et repassaient le long des pelouses.
Il lui restait à faire sa visite au château de la Mancienne. D’après ce qu’il avait appris chez le curé et au bureau de poste, il y avait peu de chances pour qu’il fût reçu par la maîtresse du logis ; néanmoins il ne pouvait se dispenser de déposer sa carte.
À l’extrémité de la promenade, il aperçut les murs et la grande grille de la Mancienne. Entre les volutes et les oves de fer forgé, il distinguait le château avec son double perron, sa façade blanche, ses fenêtres aux carreaux empourprés par le couchant et son parc aux profondeurs silencieuses. Il poussa une petite porte entre-bâillée et entra, après avoir agité une clochette dont le tintement fit accourir la concierge.
— Non, monsieur, répondit-elle à la question du visiteur, madame est absente… Elle est à Dijon… Madame ne se plaît pas ici pendant l’hiver ; elle y a trop peur et elle n’y rentrera qu’après Pâques.
Tandis que la concierge parlait, les yeux de Francis suivaient curieusement les allées sablées et tournantes qui se perdaient dans l’ombre des massifs, puis reparaissaient au loin, jaunissantes parmi la verdure des pelouses.
— Puis-je me promener un moment dans le jardin ? demanda-t-il.
— Certainement, monsieur… Madame a toujours permis aux personnes du pays d’y venir le dimanche. Vous pouvez vous y promener à votre loisir.
Francis Pommeret usa de la permission, et faisant le tour de la maison d’habitation, suivit lentement les circuits des allées, qui tantôt s’enfonçaient sous la nuit déjà épaisse des sapins, tantôt s’étalaient à l’aise en plein ciel.
Le parc, entouré de murs, occupait le bas des deux versans de l’étroite vallée. La petite rivière, partagée en une vingtaine de ruisselets tapageurs, s’éparpillait tout à travers, miroitant dans l’herbe, sautillant sur les roches, disparaissant sous des ponts rustiques pour reparaître un peu plus loin entre deux franges de roseaux desséchés. Des groupes de bouleaux, des massifs de pins argentés découpaient sur les gazons leurs silhouettes grêles ou vigoureuses. Au loin, entre les arbres effeuillés, on apercevait la façade postérieure du château, avec sa toiture d’ardoise violacée, ses persiennes closes et son perron solitaire, abrité sous une marquise vitrée. Tout cet ensemble avait un aspect large, opulent, qui faisait plaisir à voir.