autour de son corps, et qui lit avec tant d’attention dans son livre, cette belle pécheresse convertie n’a aucune ostentation dans son attitude. Rien de dramatique, de violent dans sa conversion ; ni ascétisme ni macération ; ni clepsydre ni tête de mort ; c’est une transformée plutôt qu’une repentie. Elle lit, elle médite et paraît heureuse dans sa méditation. Son sein moelleux effleure la page, sa main plonge dans la masse de ses cheveux blonds et ses pieds mignons croisés l’un sur l’autre ressortent dans la pénombre. Mais on oublie ces attraits en regardant l’expression de son fin visage, où se peint le bonheur de la paix, le charme de la pureté reconquise par le renoncement. Cette Madeleine donne l’impression d’une nature régénérée sans secousse par l’harmonie du cœur et de la pensée. Le parfum d’une seconde innocence s’exhale de son être, et il semble qu’on voit éclore sur son front l’aurore de la vérité.
Allegri mourut subitement, au mois de mars 1534, à l’âge de quarante ans. Point de détails sur ses derniers momens ; un silence profond règne sur sa fin comme sur sa vie. Aucun mausolée ne marque la place où il repose. Celui que le Carrache appelle « une nature d’ange » devait passer en ce monde en n’y laissant d’autre trace que ses œuvres, qui brilleront toujours comme un rayon de lumière pour les amans du beau et de l’idéal.
Quelle place revient au Corrège dans le Panthéon de la renaissance ? Tâchons pour conclure de répondre à cette question qui se pose d’elle-même. Si nous voulions le faire en toute justice, il faudrait d’abord que le génie de cette renaissance voulût bien nous dire son secret et qu’ensuite ses trois coryphées, Léonard, Michel-Ange et Raphaël consentissent à comparaître devant nous et à nous dire le fond de leur pensée. La chose est vraiment difficile et hasardeuse à tenter. Essayons pourtant.
La société italienne du XVe et du XVIe siècle est un des milieux les plus agités dont parle l’histoire. Et cela ne tient pas seulement aux guerres nombreuses, aux révolutions, à l’invasion des Français et des Espagnols, à l’irritant mélange de violence et de raffinement dans les mœurs. Cela vient encore et surtout de la contradiction profonde qui travaille la pensée du siècle, de la guerre intestine qui déchire et féconde l’âme italienne, la rend créatrice en la torturant. Le siècle où Laurent de Médicis préside au carnaval dans les rues de Florence pendant que Savonarole prêche la vie ascétique au peuple et fait brûler tous les objets d’art sur un bûcher ; le siècle où Luther médite sa réforme contre le catholicisme au fond de