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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/380

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contemporains, a duré vingt ans, La famille des Catinat, — cette famille d’indépendans et de sages repoussés par la cour, adoptés par la ville, — se partageait entre la robe et l’épée ; nous lisons, dans le rapport adressé à Colbert et plusieurs fois cité par nous, cette note ; « Catinat, homme d’honneur, très capable, a grande probité et grande créance en la chambre et grande déférence aux sentimens de Pucelle son gendre. » Ce Catinat est le père du maréchal et le grand-père de notre abbé. Au moment où le vainqueur de la Marsaille et de Staffarde, moins heureux contre le prince Eugène en 1701, quittait le commandement et s’ensevelissait dans sa disgrâce, son neveu, qui avait autrefois servi sous lui deux ou trois ans, comme volontaire, avant de se faire d’église et magistrat, déclarait la guerre à la bulle Unigenitus, dans le parlement : jusqu’à sa mort il soutint la lutte avec une solidité d’incorruptible vertu dont l’illustre soldat philosophe lui avait tracé le modèle. Sous Louis XIV, dans l’affaire du père Jouvency, auteur d’une Histoire de la compagnie de Jésus, écrite à Rome et déférée aux tribunaux de Paris, l’abbé Pucelle, nommé rapporteur, qualifia de « doctrine impie et meurtrière » la thèse du jésuite ; l’arrêt de la grand’chambre fut néanmoins favorable à l’ouvrage incriminé, et le supérieur de la maison professe vint en remercier le rapporteur : « C’est à Versailles, mon père, qu’il faut aller porter vos complimens, lui dit l’abbé d’un ton de brusque franchise ; pour moi, je serais bien fâché que votre société m’eût obligation en pareille matière. » En 1714, le jour où la fameuse bulle fut enregistrée d’autorité, le frère de l’abbé, qui était d’épée, lui conseilla de ne point aller au palais : il craignait un éclat de zèle janséniste et ses conséquences. « M’auriez-vous approuvé, monsieur, lui répondit le magistrat, si je vous avais engagé à ne point monter à la brèche lorsque vous y fûtes blessé ? »

Cet homme était ne orateur. Il avait le don de l’improvisation ardente et véhémente. Lorsqu’un sujet digne de sa verve réchauffait, son âme éclatait dans ses discours par une abondance de sentimens généreux, par des larmes, par des gestes et des expressions pathétiques : cette éloquence, toute d’émotion soudaine et d’inspiration, gardait, jusque dans ses mouvemens imprévus une dignité simple, une noblesse de formes, une logique entraînante et concise qui saisissaient l’auditoire. Si la voix de l’orateur, vaincue par l’âge, faiblissait, sur tous les bancs redoublaient l’avidité de l’entendre et l’émulation du silence. Dans la séance du 3 décembre 1731, le premier président, revenu de Marly, signifia l’ordre royal qui interdisait à l’avenir toute discussion religieuse ou politique au parlement. L’abbé Pucelle se leva et, se tournant vers la place où il avait prêté serment lors de son installation