économique du régime impérial qui vint recueillir le fruit de quarante années de travail, d’économie et de bonne administration. L’empire, par une législation douanière boiteuse, c’est-à-dire protectionniste pour les uns et libre-échangiste pour les autres, a enrichi ceux-ci, appauvri ceux-là, et néanmoins, somme faite, la nation a continué de voir croître sa prospérité matérielle, de sorte qu’en fin de compte, l’empire a fourni d’une main au pays le moyen de supporter sans périr les saignées et les amputations désastreuses qu’il lui a infligées de l’autre.
Devant ce spectacle de l’enrichissement constant de la France pendant plusieurs générations, sous des régimes divers, le public éclairé, non moins que la foule ignorante, reste hésitant et perplexe. Car c’est surtout sur la question des douanes que se manifeste, la divergence profonde d’intérêts et l’antagonisme regrettable qui existe malgré tout entre l’agriculture et l’industrie françaises.
Il faut donc reconnaître que nous sommes en face d’un formidable enchevêtrement de contradictions et de dissidences dans les théories comme dans les faits et les intérêts. Mais, si au milieu de ces contradictions, l’on pouvait démontrer que chacun des trois pays qui viennent d’être cités a eu de bonnes raisons d’agir comme il l’a fait et qu’il a réussi et prospéré dans sa ligne de conduite spéciale et différente, on aurait fait un grand pas en avant. Nous serions autorisés en conséquence à repousser la prétention de ceux qui veulent nous imposer une loi, une théorie et des principes absolus et universels ; on aurait le droit de nier toute doctrine fixe et de repousser les doctrinaires ; ce serait un premier point de gagné.
Commençons l’examen par les États-Unis. Qu’y voyons-nous ? Un pays prospère, immense et privilégié à tous les points de vue, fournissant et pouvant encore fournir pendant beaucoup d’années à bas prix un énorme superflu de produits variés et de denrées alimentaires qui constituent, après tout, la première de toutes les matières premières à l’usage de l’homme. Les Américains sont à même pour longtemps de faire face à l’exportation des blés, du bétail et des viandes en quantités considérables après avoir largement suffi à leurs propres besoins. Dès aujourd’hui ils contribuent régulièrement pour une grosse part à la nourriture de l’Angleterre et par intermittence à celle de la France et des autres pays. Presque tous les peuples semblent désormais dans l’obligation de recourir peu ou beaucoup aux États-Unis pour vivre, tandis que les Américains n’ont rigoureusement besoin de personne pour subsister dans