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par d’injustes accusations réciproques ; Les protectionnistes n’ont pas plus envie d’affamer le peuple que les libre-échangistes ne forment le noir dessein de vendre la patrie à l’étranger.


V

Si les principes manquent d’un côté, on peut en retrouver d’un autre. Au-delà de la question économique se présente la question de droit et d’équité.

Quand on aborde la législation et les impôts de douane, il semble qu’on mette le pied sur un terrain obscur, mystérieux et sacré, où l’on s’égare et où les données et les règles sont différentes et spéciales. Pourtant les lois et les droits de douanes sont des lois et des impositions comme les autres ; elles ne présentent ni plus ni moins de difficultés : ne doivent-elles pas être traitées et discutées sur le même pied que le reste de notre législation ?

Comme dans presque toute taxation, le débat se résume dans une question de chiffres et de proportion. En effet, l’impôt direct, juste, léger et fécond s’il est modéré, devient injuste et ruineux s’il est trop lourd, et il prend le caractère d’une spoliation ou d’une confiscation s’il est exagéré. De même, pour l’impôt des douanes, son caractère change selon le chiffre auquel il est fixé. Modéré, il est fiscal ; plus élevé, il est protecteur ; exagéré, il devient prohibitif. Il n’y a rien là que de naturel et de normal. Les règles ordinaires trouvent ici leur application.

Quel est dans l’espèce le principe fondamental de la législation française ? C’est l’égalité devant l’impôt. Tel est donc le principe et l’objectif dont il ne faut pas s’écarter. Ce principe sera une lumière qui éclairera les doutes, les obscurités et les mille détours d’une question fort compliquée où il est facile de s’égarer.

L’agriculture reste donc dans son droit strict et absolu lorsqu’elle réclame l’égalité. Dès qu’une branche du travail national est protégée, le travail agricole a le droit et le devoir de réclamer une protection analogue, sinon tout à fait égale. C’est là le point de départ et la base de la discussion, qu’il ne faut pas perdre de vue.

On voudrait faire croire qu’une protection même limitée serait une faveur un don gracieux offert aux intérêts agricoles ; il n’en est rien ; au contraire, toute inégalité de traitement au détriment de l’agriculture est une dérogation aux principes et une entorse donnée à la loi commune.

Si l’industrie est protégée, les intérêts agricoles doivent l’être aussi d’une manière efficace. L’agriculture n’exige pas une exacte