avec un M. de Saint-Remi, premier maître d’hôtel de Gaston, duc d’Orléans, et ainsi jeta l’enfant dans une petite société de « toute sorte de filles, » comme dit assez dédaigneusement Mlle de Montpensier, qui formaient l’ordinaire compagnie des jeunes princesses, demi-sœurs de la même Mlle de Montpensier. Or, on rêvait souvent du roi parmi ces jeunes filles, et l’une d’elles, Marguerite d’Orléans, plus tard grande-duchesse de Toscane, se flattait bien de l’épouser. On l’appelait même la petite reine. M. Lair a noté, sans trop y appuyer, les impressions que de pareilles visées, et les entretiens sans doute qui s’ensuivaient dans les appartemens du château de Blois, n’ont pu manquer de faire sur une imagination naturellement romanesque et tendre comme était celle de Louise de La Vallière. Elle n’avait pas encore dix-sept ans quand une fort habile femme, la mère de l’extravagant abbé de Choisy, daigna la remarquer et la proposer comme fille d’honneur à Madame Henriette, qui venait d’épouser Monsieur, frère de Louis XIV, et dont on composait la maison. Louis XIV était alors dans sa vingt-troisième année.
Madame, fille d’Henriette de France et sœur de Charles II, roi d’Angleterre, était jeune, gracieuse, vive, enjouée, spirituelle et surtout imprudente. Elle avait de plus une vengeance de femme à prendre sur le roi, qui l’avait dédaignée jadis et superbement traitée de « petite fille » dans le temps même qu’elle pouvait prétendre et qu’elle prétendait à l’épouser. Il se noua donc bientôt entre elle et Louis XIV un commerce de coquetterie qui les mena l’un et l’autre assez loin pour que les reines mères dussent intervenir, leur parler fortement, et leur enjoindre de faire taire les mauvais bruits qui commençaient à courir. Ils feignirent d’accepter la remontrance et convinrent, pour couvrir leur manège, que le roi « ferait l’amoureux de quelque personne de la cour. » Ce fut d’abord une demoiselle de Pons, que l’on fit habilement disparaître de la scène au moment qu’elle entrait tout à fait dans l’esprit de son rôle[1], puis Mlle de Chemerault, dont les friands d’historiettes regretteront que M. Lair n’ait pas un peu plus éclairci l’aventure, puis enfin Louise de La Vallière. Cette fois, c’est le roi qui fut pris à ce jeu. Lorsque plus tard, vers 1670, la grande faveur de Mme de Montespan se déclarera, comme on verra d’abord très clairement que ce qu’elle aime en Louis XIV, c’est le roi, les courtisans se précipiteront vers elle comme à la source des honneurs, des pensions et des places. On peut toujours s’entendre avec les gens qui veulent faire fortune : Mme de Montespan voulait faire fortune : il n’y aura donc pas jusqu’à la vertueuse Julie d’Angennes, et jusqu’au rigide Montausier, son époux, qui ne se mettent à l’entière dévotion de la favorite. Mais, au contraire, en 1661, comme c’était l’homme que Louise de La Vallière aimait en Louis XIV, toute
- ↑ C’est la version de M. Lair, qui cite à l’appui les Mémoires de Mme de Motteville ? mais Mme de La Fayette, Histoire de Mme Henriette, prétend que Mlle de Pons, encore un peu provinciale, se serait prêtée maladroitement à ce qu’on attendait d’elle.