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de son côté vient de ratifier ces jours derniers l’œuvre de la diplomatie, de sorte qu’à Constantinople et à Athènes, comme dans les conseils des puissances médiatrices, cette affaire des frontières turco-helléniques reste désormais réglée « en principe. » Que tout ne soit pas fini par cela même, que l’exécution pratique, les remises de territoires, les stipulations de garanties soulèvent encore mille difficultés, c’est possible. Le danger d’une guerre entre la Grèce et la Turquie semble du moins écarté. Le traité de Berlin reçoit ainsi une complète et favorable satisfaction sur un des points les plus épineux. Malheureusement, tout ce qui a été fait il y a trois ans à Berlin pour constituer en Orient un ordre nouveau reste singulièrement précaire, et au moment même où le danger est provisoirement conjuré du côté de la Grèce, les difficultés éclatent ailleurs, dans la région des Balkans, dans cette principauté de Bulgarie détachée de l’empire ottoman, créée par le congrès sous l’inspiration de la Russie.

Que s’est-on proposé avec cette création d’une principauté nouvelle au lendemain d’une guerre dont la Turquie a été réduite à payer les frais par des cessions de territoires sur toutes ses frontières ? On a voulu éviter de donner trop complètement raison au traité de San-Stefano en consacrant l’existence d’une « grande Bulgarie » qui aurait traversé, disloqué en quelque sorte ce qui restait de l’empire ottoman, qui aurait eu des débouchés jusque sur la mer Egée, et on a voulu en même temps donner une certaine satisfaction aux Russes en leur concédant une partie de ce qu’ils demandaient. On a imaginé alors une autre Bulgarie plus restreinte, placée entre la Serbie, le Danube, la Mer-Noire, et les provinces du sud des Balkans, qui ont été laissées à la Turquie, que l’imagination complaisante de lord Beaconsfield a décorées du nom de « Roumélie orientale. » À cette principauté nouvelle, à la fois autonome et tributaire de la Porte, on a accordé une semi-indépendance, le droit de se gouverner, d’avoir une constitution, une assemblée, une milice nationale, de se donner un chef élu parmi les princes étrangers. En un mot, on a créé une façon d’état nouveau assez médiocrement eu assez arbitrairement conformé, inférieur à la Serbie et à la Roumanie devenues indépendantes, placé entre toutes les influences, entre la prépotence inévitable de la Russie sa protectrice et la suzeraineté officielle du sultan, livré a ses propres incohérences et à ses tentations. Au premier moment, la Bulgarie a été tout entière à son organisation, à l’orgueil de ses droits. Elle a eu sa représentation nationale, sa constitution, elle a élu un prince qui avait les faveurs de la Russie, le prince Alexandre Battenberg. Elle est entrée d’un seul coup en possession d’Une liberté à peu près illimitée. Malheureusement jusqu’ici l’expérience n’a pas été des plus heureuses, elle a produit ce qui était trop facile à prévoir avec des populations dénuées de toute éducation