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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/487

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SAUVAGEONNE

DEUXIÈME PARTIE[1].


IV.

La petite église était pleine de fraîcheur et d’ombre, malgré le rutilant soleil caniculaire qui chauffait la place et la rue des Fermiers, où les toits en auvent découpaient une mince bande d’ombre bleue en avant des façades. L’humidité avait mis çà et là des taches de moisissure verte sur les murs de la nef blanchis à la chaux, et les dalles disjointes du pavé, récemment arrosé par la femme du sacristain, exhalaient une odeur de terre mouillée. Dans le coin le plus obscur, en face de l’autel de la Vierge, se dressait la triple ogive du confessionnal de M. le curé Cartier. Autour, quatre ou cinq dévotes, les unes sur des chaises, les autres agenouillées sur la marche de l’autel, priaient, la tête dans les mains. De la place où elles étaient, on pouvait voir obliquement le maître-autel, où une jeune fille époussetait les vases de fleurs artificielles ; les tableaux du chemin de croix accrochés aux piliers ; les rangées de bancs de chêne noirci ; et tout au fond, près du bénitier, le porche ouvert et cintré, dont la baie ensoleillée était coupée verticalement par les deux cordes tombant du clocher. Un pieux silence régnait sous la nef, interrompu seulement par un bruit de chaises dérangées avec précaution, ou par la toux discrète d’une des prieuses de la chapelle.

  1. Voyez la Revue du 15 mai.