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comme aux époques précédentes, par la crainte de l’église ; leurs ambitions temporelles ne connaissaient plus le frein spirituel. Ils eussent suivi la fortune du vainqueur.

Quels étaient, au moment où se livre la bataille de Lût zen, les rapports de la France et du roi de Suède ? Il faut remonter un peu plus haut pour s’en bien rendre compte.

Le roi Louis XIII avait écrit lui-même de Narbonne, le 17 octobre 1632, à M. de la Grange aux Ormes, qui résidait auprès du roi de Suède, pour lui annoncer que Monsieur avait été réduit à la soumission. « Vous informerés de ce que dessus mon frère le roi de Suède, lequel aura, je m’asseure, tel contentement qu’il convient à la bonne amitié et correspondance qui est entre nous, d’un succès si prompt et heureux du mouvement que l’on avoit excité en cette province… Vous remercierez, au reste, de ma part mondit frère le roi de Suède de la bonne inclination qu’il a témoignée à se conformer à ce que je luy ai fait proposer par vous comme étant convenable au bien public et au sien particulier. » La fin de la lettre est chiffrée et nous ne pouvons dire à quoi faisait allusion le roi de Fiance. La révolte de Monsieur avait été la grande affaire de la cour de France pendant cette fin de l’année 1632 ; le cardinal était tombé très malade en revenant du Languedoc, il était resté un mois à Bordeaux entre la vie et la mort. La dépêche de M. de la Grange aux Ormes annonçant la mort de Gustave-Adolphe arriva à Versailles le 2 octobre au soir ; Richelieu n’était pas encore retourné auprès du roi. Louis XIII réunit les secrétaires d’état le 3 décembre, et nous savons ce qui se passa au conseil par un « Mémoire fait à Paris le 4 décembre » par M. Bouthillier. On y lit ceci : « Le roy de Suède avait parlé si avantageusement, en diverses occasions, soit sur le sujet de la reyne-mère du roy, soit sur celui de Monsieur et autres rencontres, que l’on pouvoit dire que Sa Majesté n’y avoit peut-être pas beaucoup perdu à la mort du roy de Suède. C’est l’opinion de M. le maréchal de Brézé, qui l’a pratiqué assez longtemps pour en juger, et qui dit qu’il n’avoit aucun bon dessein pour les intérêts du roy ; qui est, en effect, ce que le sieur de la Grange veut dire par les treizième et vingtième articles de sa lettre. — M. de Bullion a dit la mesme chose que moy. — Sa Majesté, là-dessus, a commandé d’envoyer promptement la dépêche à Mgr le cardinal… »

Le courrier porteur de la dépêche trouva le cardinal de Richelieu à Brouage ; il écrivit au roi le 15 décembre : « Sire, bien qu’il soit difficile de mander de loin son ad vis, parce que les affaires changent souvent devant qu’il soit arrivé, j’ai envoyé à M. Bouthillier ce que j’estime sur les affaires d’Allemagne pour obéir à vos commandemens. Si le roi de Suède eust attendu six