Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/674

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

MM. Pujol et Falguière est harmonieuse dans son élévation, quoique le plan en soit un peu vide, et les autres projets primés sont tous graves et dignes. Mais aucun ne nous parle suffisamment du passé.

Est-ce à dire que le travail de M. Formigé ne prête à aucune critique ? Le plan en est excellent, mais l’élévation, bien qu’elle soit étudiée avec talent, manque d’harmonie. L’enceinte, de style dorique, contraste trop, par sa pesanteur, avec la colonne, qui est d’un style élégant et même fleuri, qu’on dirait un peu basse et dont l’aspect se trouve encore amoindri par les socles et les piédestaux superposés qui sont à sa base. Nous reconnaissons qu’il n’y a pas de comparaison absolue à établir entre la colonne de Versailles et la colonne Trajane. Celle-ci n’a pas d’enceinte proprement dite. Mais les édifices qui l’entourent en sont assez rapprochés pour que l’architecte ait dû se préoccuper, en en déterminant le style, des questions de rapport qui se posent toujours à propos d’un ensemble. Or le forum de Trajan, la basilique et les bibliothèques Ulpiennes sont d’ordre corinthien, et Apollodore a eu recours, pour sa colonne, qui est d’ailleurs très élevée, aux proportions graves de l’ordre toscan. C’est aussi un contraste, mais l’étude l’a rendu harmonieux. On ne saurait demander à M. Formigé de préférer ce parti à celui qu’il a adopté. Mais ce que l’on peut souhaiter, c’est qu’il donne à son projet l’unité qui lui manque en établissant un meilleur accord entre les élémens dont il s’est servi.

Si le concours de Versailles laisse, en ce qui concerne l’architecture, une impression favorable, on ne voit pas, sans qu’il y ait beaucoup à dire, la sculpture qui en fait partie intégrante. En général, elle manque de caractère. On y remarque une volonté d’exprimer la vie rien que par ses côtés physiologiques qui n’est pas ici bien à sa place. Bailly, Siéyès, Lafayette et même Mirabeau ne sont pas des personnages qu’on puisse représenter rien qu’en s’aidant du sentiment : pour les rendre, le statuaire a besoin de se consulter avec l’historien. On remarque que les figures de la république n’ont pas toutes les proportions abstraites que l’art emploie quand il traite les sujets symboliques. Néanmoins, sur ce point, nous faisons exception en faveur de quelques concurrens, parmi lesquels se trouve M. Coutan. La statue dont il est l’auteur semblerait compliquée si nous voulions la décrire, mais elle a cependant de la masse, de l’équilibre et de la clarté ; de plus, elle est composée d’une manière originale. Mais lorsque la sculpture fait corps avec l’architecture, elle doit lui emprunter son esprit de logique et en partie du moins le mode d’exécution qu’elle emploie pour la décoration. Elle doit chercher les silhouettes stables, les lignes claires, les plans bien accusés, les formes robustes ; elle doit donner l’idée