début heureux de M. Dampt… Mais quelle est cette statue si animée ? quel est cet archer aérien tout brillant d’audace et de jeunesse ? C’est une nouvelle personnification de l’Amour. Eros est à la cime d’un nuage ; il tire une flèche de son carquois et regarde le monde qui est à ses pieds. L’artiste qui a conçu et réalisé cette allégorie, M. Coutan, est infatigable, hardi. Son Eros est gracieux, l’exécution en est savante. Au cours de son travail, il a dû triompher de mille difficultés ; mais nulle part la peine n’a laissé de trace. Si M. Coutan a voulu montrer l’habileté et l’audace de son ciseau, il a parfaitement réussi. Mais combien son œuvre paraît fragile ! On tremble rien qu’à l’idée qu’il faille la transporter à une autre place. Il semble qu’on ne puisse y toucher sans lui faire courir un danger. Les qualités de cette statue réclameraient une autre matière que le marbre. Sa silhouette, qui est très élégante, rentre dans la forme d’un ovale allongé et par conséquent n’offre qu’un faible point d’appui. Le bronze, grâce à sa ténacité, lui donnerait la solidité dont elle a besoin. Le métal aurait encore ce grand avantage de faire ressortir le mérite supérieur de l’œuvre, qui est le dessin. L’Eros de M. Coutan est un ouvrage de pure statuaire, une de ces représentations dans lesquelles le sujet se suffit à lui-même, se soutient par son propre équilibre, n’appelle à son aide aucun de ces étais qui, dans la sculpture en marbre, sont déguisés sous la forme de troncs d’arbre, de rochers, de cippes et d’autels. Cette indépendance du sujet est un des caractères essentiels de la statuaire en bronze. Celui-ci, il est vrai, à cause de sa couleur sombre, n’est point propre à rendre le modelé. Il s’éclaire, non par gradations nuancées, mais pour ainsi dire par secousses. Il réfléchit la lumière comme un miroir, et tandis que, sur ses saillies extrêmes, il la répercute jusqu’à aveugler, il offre dans les parties ombrées ou renfoncées des noirs dans lesquels la forme disparaît. Mais en revanche avec quelle autorité n’accuse-t-il pas l’unité d’une composition, ne fait-il pas ressortir le caractère des formes et n’en exprime-t-il pas la souplesse en faisant ressortir la pureté et la finesse des contours ! Les grands évidemens qui, dans le marbre, ôtent le caractère et sont une cause de maigreur ou tout au moins de sécheresse, sont ici parfaitement à leur place : ils donnent à l’œuvre une parfaite clarté. En bronze, l’Eros de M. Coutan aurait toute sa valeur ; il justifierait les principes que nous invoquons ; il serait un exemple de statuaire métallique.
Mais l’artiste, le sculpteur surtout ne fait pas toujours ce qu’il préférerait. Il rêve d’une figure en bronze et tout à coup voilà qu’on la lui commande en marbre : il faut se soumettre. Il y a au Salon de cette année beaucoup d’ouvrages en plâtre qui n’attendent que