Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/680

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

François Villon de M. Etcheto. Nous voudrions que tout le monde en fût d’accord : car n’est-il pas heureusement trouvé, ce François Villon ? Quelle finesse, quelle vie, quel personnage tout d’un jet ! Le voilà le pauvre basochien espiègle, tapageur et même libertin ; il est là, maigre, mourant de faim et méditant quelque bon tour. Avec sa gaîté et sa nargue sardonique, avec sa grâce et sa mélancolie, il revit, bien étonné sans doute d’avoir une statue, lui qui, dans une ballade, s’est représenté pendu.

Tous les plâtres que nous venons de passer en revue nous semblent, aussi bien que le groupe intéressant dont M. Gérard expose le modèle, la Lutte de Jacob avec l’ange, tous nous semblent, disons-nous, légitimement dévolus à la fonte. Mais peut-être le marbre s’en emparera-t-il ? Nous le regretterions, car alors la raison serait déçue et ces ouvrages auraient manqué leur destinée.

Il en est qui ont eu la bonne fortune de l’accomplir jusqu’au bout, et nous devons nous en applaudir. Dans le nombre, le Bernard Palissy de M. Barrias se fait admirer à côté du grand et beau monument de sculpture que le même artiste a obtenu au concours et qui symbolise la Défense de Paris. L’ouvrier énergique dans lequel M. de Groot a personnifié le Travail est aussi très remarquable, et le Christ en croix de M. Injalbert est plein d’un mérite dont on ne peut malheureusement jouir comme on le voudrait. Cela tient à la couleur du bronze. Cette couleur, naturelle ou artificielle, suivant qu’elle a été obtenue par l’oxydation du métal soumis à l’action de l’air ou par des mordans, est ce que l’on nomme la patine. Celle-ci fait le plus grand tort à l’œuvre de M. Injalbert. Certes, on peut bien faire des réserves sur le caractère que l’artiste a donné à la figure de l’Homme-Dieu. Mais l’exécution, qu’il était permis d’apprécier dans le plâtre, a des qualités supérieures. On ne saurait voir un modelé plus vivant et plus lin, et les moindres détails de la chair sont traités avec une délicatesse, une subtilité qui font penser à ce que le pinceau des maîtres de l’école flamande a produit de mieux en ce genre. en bien ! tout cela disparaît sous une sorte d’enduit terreux appliqué avec négligence, et l’unité de l’œuvre est détruite par mille taches d’aspect ferrugineux qui ont de plus l’inconvénient bizarre de mettre sur l’épidémie du cuivre de à rouille à la place de vert-de-gris. Une patine doit être d’un ton uniforme et absolument identifiée à la forme, qu’elle achève ainsi de faire valoir… Mais n’insistons pas davantage sur ces considérations, si importantes qu’elles soient. Laissons aussi décote la ciselure, partie fort essentielle de l’art, qui fait absolument défaut dans les bronzes français, et examinons tout un ensemble de statues qui paraissent avoir dit leur dernier mot avec le plâtre. Elles sont le résultat d’une préoccupation complexe de leurs auteurs,